La doctrine de la sécurité éternelle : problèmes de logique

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[Cet article propose une contre-argumentation à la doctrine de la sécurité éternelle. La variante de cette doctrine considérée ici est celle qui stipule qu'un seul moment de foi suffit pour garantir une entrée définitive dans le royaume éternel de Dieu peu importe la persévérance ultérieure dans la foi. On peut remarquer que cette variante s'éloigne des positions théologiques qui défendent la nécessité de la persévérance telle la position calviniste ou celle de la plupart des arminiens 4 points, et ce, même si la persévérance doit être irrésistible dans ces cas là.]

Introduction

Comme pour toute doctrine ou théologie, les gens sont passionnés par leurs croyances. Il y a souvent de nombreux appels aux Écritures et à la logique elle-même dans la défense des sujets controversés. Étant donné que ceux qui croient en la doctrine de la sécurité éternelle ont de nombreux arguments qui jouent sur le sens logique des auditeurs, ceux-ci doivent être examinés simplement à la lumière de la logique.

Nous sommes des êtres rationnels. Nous gravitons vers ce qui, selon nous, apportera du sens et de l'ordre à notre existence. Dans la société de consommation dans laquelle nous vivons, nous sommes bombardés par toutes sortes de publicités qui visent à nous pousser à l'achat de produits commerciaux. Bon nombre de ces publicités utilisent des influenceurs tels que des acteurs célèbres, des sportifs professionnels ou de belles personnes. Il s'agit là d'une stratégie pour nous faire croire que si nous utilisons un produit donné, nous ressembleront à telle célébrité, deviendrons plus sportifs ou plus beaux.

Manger des céréales peut certes nous donner plus d'énergie, mais cela ne fera pas de nous de meilleurs sportifs, ne nous rendra pas plus beaux, ni ne nous permettra de côtoyer une célébrité. Une publicité repose en fait sur une tromperie logique, c'est-à-dire un sophisme. Il existe des tromperies en tout genre qui dupent constamment ceux qui acceptent tout sans aucun discernement. Or, la littérature sur la sécurité éternelle fait un constant appel à la logique pour une raison simple : faute d'avoir suffisamment d'appuis dans la bible, cette doctrine doit puiser une bonne partie de sa démonstration à l'extérieur.

[Nous allons examinez ici quelques-uns des appels à la logique sensés supporter la doctrine de la sécurité éternelle].

1. Examen de l'argument : « Si la vie éternelle peut être perdue, comment peut-elle être éternelle ? »

Cette logique repose sur le sens du mot éternel. Si quelque chose est éternel, comment pourrait-il se terminer ? C'est là une question pertinente, à laquelle il est possible de répondre ainsi :

[...] Si je reçois en cadeau une perle éternelle de grand prix, elle est à moi ; J'« ai » une perle éternelle. C'est quelque chose que je devrais chérir et dont je devrais me réjouir ! Mais que se passe-t-il si je l'échange contre quelque chose que je préfère avoir ? Et si je cessais de chérir le cadeau ou Celui qui me l'a donné ? Et si je devenais alors négligent et que je la perdais ? Même si je la jette, la perle reste éternelle ! Elle cesse juste d'être en ma possession !

Ceux qui s’appuient sur le mot « éternel » ne voient pas que la qualité « éternelle » est liée à la « vie » et non au fait que nous « l'ayons » ou que nous la « possédions » ! La « vie » elle, est « éternelle », indépendamment de ce qu'est le croyant ! Avoir la vie éternelle ne veut pas dire que nous en avons la possession irrévocable !

Que nous acceptions Christ et le don de la vie éternelle n'a aucune incidence sur la nature du don de la « vie éternelle ». L'objet du don reste éternel, que nous le possédions ou non ! La nature de la « vie » est « éternelle », qu'une personne croie ou non en Christ.

L'argument d'un don éternel est intéressant, mais il n'établit pas le caractère éternel de la possession de ce don, c'est-à-dire de la sécurité éternelle !

2. Examen de l'argument : « Comment une personne peut-elle être née de nouveau et devenir non-née ? »

Cet argument prend différentes formes comme : « Comment une brebis peut-elle devenir un bouc ? » « Comment quelqu'un qui a été adopté peut-il devenir non-adopté ? »

En ce qui concerne le premier argument « Comment un né peut-il devenir un non-né ». Nous répondons : Il n'y pas une analogie dans la condition humaine qui puisse suggérer l'idée qu'une personne puisse devenir « non-née ». Il existe par contre un événement de la condition humaine qui existe et qui semble être ignoré dans l'argumentation : la mort. Dans cette mesure, ne serait-il pas plus logique de dire que ce qui est  spirituellement peut mourir spirituellement ? Il en va de même de la logique de l'adoption. Nous ne devenons pas « non-adoptés », par contre nous pouvons concrètement être désavoués ou déshérités !

L'argument le plus illogique dans ce lot de propositions est : « Comment une brebis peut-elle devenir un bouc ? » En effet, les mêmes personnes qui croient que cela n'est pas possible dans ce sens, n'ont aucun mal à croire qu'un bouc peut devenir une brebis ! Pour aller jusqu'au bout de leur pensée, il faudrait dire que si la nature d'une personne ne peut être changée, alors la régénération et la nouvelle-naissance sont impossibles ! En somme, ceci reviendrait à dire qu'il est impossible d'être sauvé !

Le raisonnement fallacieux qui consiste à dire qu'il faut « dé-naître» ou être « dés-adopté » pour que la nature du croyant redevienne un incroyant, ignore qu'un processus puisse cesser sans qu’il existe forcément un processus d'inversion.

Par exemple, un timbre poste devient sans valeur pour un bureau de poste une fois qu'il est oblitéré. Ainsi, un timbre n'a pas besoin de retourner à l'état « non-imprimé » pour perdre sa valeur postale. [...]

3. Examen de l'argument : « Lorsque Jésus a payé pour mes péchés sur la croix il y a 2 000 ans, mes péchés étaient des péchés futurs. Cela ne signifie-t-il donc pas que tous mes péchés futurs sont déjà pardonnés ? »

Le plus grand défaut de cette logique est le fait qu'elle présuppose que le péché d'une personne a été payé inconditionnellement sur la croix du Calvaire !

C'est l'un de ces exemples où nous voyons qu'en l'absence de toute déclaration sans ambiguïté de l'Écriture pour prouver leur point de vue, beaucoup renforceront leur principe en utilisant une théorie faite par l'homme et l'élèveront au niveau de l'inspiration divine ! [...]

La théorie de la substitution pénale de l'expiation a été développée pour appuyer les notions du déterminisme théologique calviniste. La seule conclusion logique de la prédestination calviniste est que si l'expiation correspond à un paiement intégral celle-ci est limitée à certaines personnes. Seuls les sauvés bénéficient du paiement sur la croix et personne d'autre. La croyance des sauvés n'est que la manifestation du fait que ceux-ci ont été sauvé1Selon cette théorie calviniste, le paiement a été achevé dans le passé, et nous ne ferons rien dans le présent pour en bénéficier s'il n'a pas été payé pour nous. Ce déterminisme réduit l’Évangile à une mauvaise nouvelle pour les individus que Dieu n'aime pas, pour lesquels il a prédéterminé que le Christ n'expierait pas leurs péchés. Il n'y a d'ailleurs aucun moyen d'être sûr de savoir si vous faites partie des « élus » car vous ne pouvez pas savoir avec certitude si vos péchés personnels ont été payés ou non. Le déterminisme du calvinisme pur est peut-être cohérent avec la théorie de la substitution pénale de l'expiation, mais ne donne au croyant aucune véritable assurance personnelle du salut. En effet, selon cette théorie, nous ne pouvons pas savoir si notre foi et notre confiance en Dieu, est autre chose qu'un vœu pieux ou une fiction ! L'assurance ne peut être vraiment trouvée qu'après la mort ! [Pour plus de détails, voir : L'assurance du salut dans l'arminianisme et le calvinisme]! [...]

Plus justement, l’expiation par substitution [qu'elle soit pénale ou non] est une provision qui exige que les conditions soient remplies pour permettre une imputation. Dans les Écritures, l’expiation n’est jamais présentée comme une couverture pour tous les péchés futurs. Elle ne couvre que nos « péchés passés » (Romains 3:25; 2 Pierre 1:9) et exige la repentance pour qu’il y ait un pardon et une purification continue (1 Jean 1:9).

Si le Christ a déjà payé toutes nos amendes futures au tribunal, nous n’aurions pas besoin de Lui comme notre Avocat à l'instant présent devant le Juge! (1 Jean 2:1) La logique prouve qu'il est impossible de concilier la théorie du paiement calviniste avec l'offre universelle du salut sans tomber dans l'universalisme.

Il n'y a pas de déclarations sans ambiguïté dans les Écritures qui disent explicitement que la mort de Jésus a littéralement « payé » nos péchés. De ce fait, cette terminologie ambiguë doit être évitée au profit de l'idée que l'expiation est une « provision » qui fait de l’Évangile une bonne nouvelle pour tous.

Une provision n'est pas un paiement couvrant tous les péchés et de plus n'est pas limitée à quelques-uns comme dans la thèse calviniste, mais destinée au monde entier. Une provision exige des conditions permettant une imputation. Une provision est conditionnelle ; un paiement inconditionnel ne l'est pas. Une provision est faite pour tous; et un paiement en accord avec la thèse calviniste est effectué pour peu. Si nous admettons que certains ne seront pas sauvés, et que nous croyons que Jésus est mort pour « tout homme » et pour le « monde entier », nous devrions voir qu'il doit s'agir d'une expiation provisionnelle et non d'un paiement inconditionnel dans le passé. Une expiation provisionnelle nous ordonne de nous repentir et de croire en l’Évangile comme une condition (et non un mérite) pour recevoir l'application de ses bienfaits.

Ce n'est pas un salut « par les œuvres », c’est le salut par grâce au moyen d'une foi authentique.

4. Examen de l'argument : « Je ne peux rien faire de moi-même pour être sauvé, donc je ne peux rien faire pour ne pas être sauvé ! »

Puisque faire de bonnes œuvres ne vous a pas sauvé, alors le péché ne peut pas vous faire perdre le salut. Cela semble être une logique incontestable. « Je ne peux rien faire pour me sauver » ! Est-ce vrai? Serions-nous soit sauvés soit perdus de manière fataliste ? [...] Pourquoi Dieu nous dirait-il de fuir la colère à venir si nous ne pouvons pas choisir d'y échapper ?

Ces déclarations faites pour défendre la sécurité éternelle se fondent sur une logique effectivement valable dans un cadre fataliste, [c'est à dire un cadre déterministe où les moyens déterminant une fin n'importent pas]. Par contre, si vous croyez que pour devenir chrétien il faut se repentir et croire au Seigneur Jésus et à son œuvre sur la croix pour nous, vous avez admis qu'il y a des conditions au salut. La logique de l'argument que nous n'avons rien à faire s'effondre alors d'elle-même ! Car en réalité vous deviez faire quelque chose pour être sauvé, vous disposiez d'un moyen privilégié pour ce faire, cela s'appelle la foi !

[...] Nous devons avoir la foi pour plaire à Dieu, il n'y a pas de salut sans la foi. Bien qu'il nous y aide par sa grâce, Dieu ne croit pas plus pour nous qu'il ne se repent pour nous ! C'est clairement quelque chose que nous devons faire ! Il est donc logique de dire que les mêmes conditions qui sont requises pour recevoir le salut doivent être présentes afin de maintenir le salut.

Si vous considérez une dépendance continue à la grâce et la miséricorde de Dieu reçues par l'expiation de Christ comme étant une œuvre, comme vous voulez, moi j'appelle cela la foi.

Je ne revendique pas un mérite, et ma foi ne prétend pas au mérite. L'autre aspect de la question est que si je rejette ma foi en faveur de l'incrédulité (le péché), je renonce aux avantages actuels d'une relation avec Christ purifiant de tout péché. (1 Jean 1:7) Nous sommes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi. (Éphésiens 2:8) Nous devons avoir la foi pour avoir le salut, car sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. (Hébreux 11:6). Si nous cessons d'avoir la foi, la seule conclusion est que la condition du salut n'est plus présente, et donc nous abandonnons le salut. Cela devrait nous amener à croire en l'exigence énoncée tout au long du Nouveau Testament qui nous exhorte et nous avertit que nous devons rester, demeurer et persévérer dans la foi pour être sauvés. [...]

[En complément sur ce sujet, voir : L'homme participe-t-il à l'œuvre du salut ?]

5. Examen de l'argument : « Nous mourons tous, c'est la preuve que nous péchons tous. Ainsi, le fait de pécher n'est pas problématique en soi ! »

[...] Dieu a dit à Adam et Eve qu'ils pouvaient manger de n'importe quel fruit du jardin, sauf de l'arbre de la connaissance. Ils étaient prévenus que le jour où ils en mangeraient, ils mourraient ! Satan arriva et tenta Eve et dit : « Le jour où tu en mangeras, tu ne mourras certainement pas »!

Remarquez que Dieu dit que le salaire du péché, c'est la mort, et que le diable dit : « vous ne mourrez certainement pas ». Les tenants de la sécurité éternelle se rangent apparemment plutôt du côté du diable en disant comme lui : « Vous ne mourrez certainement pas ».

Mais attendez! Sont-ils morts le « jour » où ils en ont mangés, comme Dieu l'a dit ? Pas physiquement, mais la mort spirituelle a été immédiate ! A partir de là, ils ont eu une nature déchue qui s'est transmise à toute leur postérité. Dieu les a retirés du jardin afin qu'ils ne puissent plus manger de l'Arbre de Vie. Vous voyez, nous sommes toujours sous la malédiction de la chute, nous n'avons pas accès à l'Arbre de Vie. Leur argumentation repose visiblement sur un raisonnement fallacieux.

Les Écritures nous disent donc pourquoi les justes meurent encore, et ce n'est pas lié à quelque chose qui dépend d'eux.

[...] [Nous mourrons physiquement car nous sommes touchés par la malédiction originelle qui est indépendante du péché actuel. Il n'y donc aucune lien logique entre la réalité du péché actuel et l'idée que le péché ne serait pas problématique en soit.]

6. Il est moins risqué pour un croyant de ne pas croire en la sécurité éternelle que d'y croire

[En l'absence d'une conviction nette par rapport à une doctrine sur la base des données bibliques, il est utile d'évaluer le risque associé à la croyance en cette doctrine. Pour cela, il suffit de considérer ce qu'il advient au final à l'adhérent de cette doctrine et son alternative dans le cas où celles-ci s'avèrent fausses. En appliquant ce principe à la doctrine de la sécurité éternelle considérons ce qui se passe alors :]

« Si vous ne croyez pas en la sécurité éternelle et donc que vous aspirez à une vie de persévérance dans la foi et que vous découvrez au ciel que vous vous êtes trompé et que cette doctrine était vraie, vous ne perdez rien. En fait, vous étiez simplement en sécurité inconditionnelle toute votre vie sans l'avoir réalisé !

En revanche, si vous vous conformez aux enseignements de la doctrine de la sécurité éternelle et que vous vous retrouvez devant Dieu pour découvrir que cette doctrine était fausse, alors vous avez tout à perdre. »

Du seul point de vue du bon sens, cela est risqué de croire en la sécurité éternelle qui affirme que la persévérance dans la foi est optionnelle. Si vous enseignez la sécurité éternelle aux autres et qu'ils découvrent que cette doctrine est fausse lorsqu'ils se tiendront devant le trône du jugement de Dieu, vous aurez leur sang sur les mains ! Mon ami, en toute logique vous prenez un risque à croire en la sécurité éternelle; risque que vous ne prenez pas dans le cas contraire !

Conclusion

Les Écritures sont notre source et notre règle de foi. Ainsi la logique n'est utile que si elle est appliquée correctement et lorsqu'elle est conforme aux Écritures. [...] Notre interprétation des Écritures ne doit pas aboutir à des contradictions logiques prêtant à confusion. Dieu n'est pas illogique, quant au diable, il est l'auteur de la confusion. Ainsi beaucoup de gens en viennent à être convaincus de cette fausse doctrine de la sécurité éternelle à cause de leur manque de discernement. Pourtant, il y a un véritable manque de preuves bibliques en faveur de cette doctrine. Toute doctrine qui ne peut être soutenue à la fois par les Écritures et la logique doit être considérée comme hétérodoxe et rejetée.

[Pour un examen critique scripturaire de cette doctrine, voir : Une fois sauvé toujours sauvé : problèmes pratiques]
[Pour une analyse des développements historiques de cette doctrine, voir : La doctrine de la sécurité éternelle, développements et formes actuelles]


Article original : PATON, Jeff. Eternal security and logic. In : Eternal Security [en ligne]. 2013. Disponible à l’adresse : https://eternalsecurity.us/logic%20of%20eternal_security.htm

Source des citations bibliques : La Sainte Bible : nouvelle édition de Genève 1979. Genève : Société Biblique de Genève, 1979.

Références

  • 1
    Selon cette théorie calviniste, le paiement a été achevé dans le passé, et nous ne ferons rien dans le présent pour en bénéficier s'il n'a pas été payé pour nous. Ce déterminisme réduit l’Évangile à une mauvaise nouvelle pour les individus que Dieu n'aime pas, pour lesquels il a prédéterminé que le Christ n'expierait pas leurs péchés. Il n'y a d'ailleurs aucun moyen d'être sûr de savoir si vous faites partie des « élus » car vous ne pouvez pas savoir avec certitude si vos péchés personnels ont été payés ou non. Le déterminisme du calvinisme pur est peut-être cohérent avec la théorie de la substitution pénale de l'expiation, mais ne donne au croyant aucune véritable assurance personnelle du salut. En effet, selon cette théorie, nous ne pouvons pas savoir si notre foi et notre confiance en Dieu, est autre chose qu'un vœu pieux ou une fiction ! L'assurance ne peut être vraiment trouvée qu'après la mort ! [Pour plus de détails, voir : L'assurance du salut dans l'arminianisme et le calvinisme]