L’expiation est-elle universelle ou limitée ?

Pions

Introduction

La théologie d’Arminius était clairement un produit de la réforme et exprimait l’insistance de celle-ci quant au salut par la grâce seule, la foi seule et le Christ seul. [...] Dans cet [exposé], je vais traiter de la théologie de l’expiation [...] et plus particulièrement du sujet de l’étendue de l’expiation. La question est la suivante : pour qui Christ est-il mort ? Pour les élus seulement, ou pour tous ?

La nature de l’expiation

Avant d’en arriver là, je voudrais brièvement mentionner la nature de l’expiation. Comme la plupart des calvinistes, les arminiens réformés croient à la « théorie de la substitution pénale » de l’expiation. Il s’agit vraiment d’une expiation par substitution. Jésus a réellement souffert sur la croix pour la sanction de nos péchés. Il a porté la colère de Dieu à notre place. 2Co 5:21 dit « Celui qui n'a point connu le péché, il l'a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu ». Il a été frappé sur la croix pour nos péchés, bien qu’il n’en ait commis aucun.

Je mentionne cela parce qu’il existe un courant de pensée historique au sein de l’arminianisme qui enseigne, au contraire, ce que l’on nomme la « théorie gouvernementale » de l'expiation, développée par l’un des futurs disciples d’Arminius, Hugo Grotius. Grotius affirma que Jésus était mort pour faire respecter le juste gouvernement de Dieu sur le monde. De ce point de vue, l’expiation témoigne du fait que le péché exige le pardon, mais pas la punition ; Jésus est mort à cause de nos péchés, mais pas pour subir la peine de nos péchés. Je vous recommande le chapitre du livre de Forlines The Quest for Truth pour approfondir ce sujet.

Les raisons de croire à l’expiation universelle

L’arminianisme insiste sur le fait que Jésus est mort pour chaque personne partout dans le monde et depuis le commencement. En effet, Dieu a tant aimé le monde, et pas seulement les élus, qu’Il a donné son Fils unique pour pardonner les péchés du monde. Ceci est parfois appelé expiation illimitée, expiation universelle, ou encore expiation générale (ainsi les baptistes calvinistes étaient appelés « baptistes particuliers » alors que les baptistes arminiens étaient appelés « baptistes généraux »).

1. L’expiation universelle correspond aux déclarations bibliques selon lesquelles Dieu veut le salut de tous, en particulier dans 2Pi 3:9, et 1Tm 2:4. Il serait en effet étrange que Dieu ait vraiment voulu ou désiré le salut de tous, mais qu’il ait envoyé son Fils mourir pour les élus uniquement. Il est bien plus logique que Dieu donne l’opportunité du salut à tous puisqu'Il désire le salut de tous.

2. L’expiation universelle est logiquement requise par les passages qui font référence à la ruine de ceux pour qui le Christ est mort, particulièrement 1Co 8:11 et Rm 14:15. Tous deux font face au même problème : quelqu’un peut, par un comportement négligent, menacer le bien-être spirituel d’un frère ou d’une sœur chrétienne. Ceci augmente le risque que l’un de ceux pour qui Jésus est mort finisse par périr. Ce cas montre clairement que Christ n’est pas mort seulement pour les élus.

Soit dit en passant, ceci est lié à la théologie sur l’apostasie. Si une personne régénérée peut apostasier et être finalement perdue, alors quelqu’un pour qui le Christ est mort peut être perdu. Si Jésus n’était pas mort pour un apostat, alors ce quelqu’un n’aurait jamais pu être sauvé.

3. L’expiation universelle correspond au fait que l'écriture offre le salut à tous et nous demande de prêcher l'Évangile à tous.

La Bible présente clairement cette offre comme universelle, dans tous les passages comportant « quiconque croit », comme dans Ap 22:17 ou Jn 12:32 : « Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » La Bible nous commande de prêcher l'Évangile, de présenter son offre à tous. Cela est clairement énoncé dans des passages comme Mc 16:15. Rm 1:14-16 montre que Paul a pleinement réalisé que c’était une obligation pour lui étant donné que l'Évangile « est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui croit ».

Les calvinistes ne nient pas que la Bible offre le salut à tous et que nous avons la responsabilité de prêcher l'Évangile à tous. Cependant, je pense qu’ils ne sont pas logiques et cohérents sur ce point : le salut ne peut véritablement être offert à tous si Christ n’est pas mort pour tous. Supposons que je dise à un enfant paralysé : « si tu tends ta main et que tu le prends, ce bonbon est à toi ». Cela me semble être plutôt une moquerie qu'une « offre ».

4. L’expiation universelle, dans la Bible, correspond mieux au fait que les perdus sont accusés, non seulement pour leurs péchés mais pour leur rejet de Christ et du salut qui est offert en Lui par l'Évangile.

Examinons par exemple Jn 3:18 ou 1Jn 5:10-11. Dans ce dernier passage, le fait est que celui qui ne croit pas, a en réalité rejeté le témoignage de Dieu Lui-même, faisant de Lui un menteur. Quel est ce témoignage ? Qu’Il nous a donné la vie éternelle dans son Fils. Cependant, si Jésus n'est pas mort pour ceux qui finalement ne croient pas en Lui, alors Dieu n'a pas témoigné qu'Il leur a donné la vie éternelle et ils n'ont pas rejeté le témoignage de Dieu !

La Bible accuse clairement les pécheurs qui rejettent l'Évangile. Cela doit donc vouloir dire que l’offre est authentique, que Jésus est vraiment mort pour eux.

5. L’expiation universelle explique le mieux le fait que les Écritures affirment que Dieu pourvoit en fonction du besoin humain. Le meilleur passage à ce propos est Rm 3.22-25, dans lequel Paul parle de la justice accessible par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient. Il soutient fermement cette logique en disant :

- il n’y a pas de différence

- tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu

- ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération qui se trouve en Jésus-Christ

La phrase « ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération qui se trouve en Jésus-Christ » vise le même « tous » que celui pour qui Paul dit que « tous ont péché ». Tous ont péché ; tous ont accès à la justification sur la base de l’œuvre rédemptrice du Christ. La provision correspond bien au besoin.

6. Enfin, la Bible enseigne clairement que Jésus est mort pour tous et non pour un nombre d’individus prédéterminé. Examinons 1Jn 2:2 ; 1Tm 2:6 ; Hé 2:9 ; Jn 3:16-18 ; 2Co 5.14, 19 ; Rm 5.18 ; Tt 2:14 ; et d’autres encore. Comme le Dr Vernon Grounds l’a dit de manière ironique : « il faut une ingéniosité exégétique pour éloigner ces versets de leur sens évident ».

Les arguments du calvinisme

Vous devriez savoir quelques-unes des choses que disent de leur côté les calvinistes.

1. Les calvinistes pointent les versets qui disent que Jésus est mort pour Son peuple ou pour l’église, et les interprètent pour dire qu’Il est mort uniquement pour le peuple de Dieu. Ceci inclut Mt 1:21 ; Jn 15:13 ; Jn 10:15 ; Ep 5:23-26 ; Ac 20:28 ; Tt 2:14 ; et d’autres passages encore.

Nous voyons que dans ces deux séries de versets il est mort pour nous et il est mort pour tous. S’il est mort pour tous, cela nous inclut. Examinons Ga 2:20 où Paul dit « qui m’a aimé et qui s’est donné lui-même pour moi ». Évidemment cela ne veut pas dire que Jésus ne s’est pas donné pour quelqu’un d’autre que Paul. De même, les versets qui parlent de Jésus mourant pour nous, pour l’église, pour le peuple de Dieu, ne signifient pas qu’il n’est mort pour personne d’autre.

2. Les calvinistes soutiennent généralement que « tous », dans les passages qui disent que Jésus est mort pour tous, ne veut pas dire chaque personne de l’histoire du monde. Ils veulent plutôt dire que Dieu veut que les élus parmi tous les peuples, les classes et les groupes ethniques de la société soient sauvés : Dieu aime et sauve les élus qu’ils soient juifs ou non-juifs, issus d’une nation ou d’une autre, riches ou pauvres, vieux ou jeunes. Je pense que cette approche ne permet pas de donner un sens valable à ces versets et en conclusion je tiens à faire un point plus précis sur 1Jn 2.2.

1 Jean 2.2

Ce verset est un bon moyen pour se convaincre définitivement du fait que l’expiation est universelle.

« Il est lui-même la victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. »

Que voulait dire Jean par « le monde » ? Il utilise 23 fois ce mot dans cette courte lettre en l'opposant à chaque fois au peuple de Dieu. Regardons, par exemple, 1Jn 2:15-17 ; 1Jn 3:1, 1Jn 1:13 ; 1Jn 4:1-5, 1Jn 4:19.

Le peuple de Dieu et « le monde » sont deux peuples différents, hostiles l’un envers l’autre. Jean utilise certainement « monde » en 1Jn 2:2 de la même manière, et non pas en référence au reste des élus dans le monde.

Les autres endroits de cette lettre où « nous » est opposé « au monde » comme en 1Jn 2:2, appuient cette interprétation.

Il y a quatre autres passages de ce type : 1Jn 3:1 ; 1Jn 4:5-6 ; 1Jn 5:4-5 ; et 1Jn 5:19 : « Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier est sous la puissance du mal ». Ceci constitue un point indiscutable. « Nous » et « le monde » sont deux royaumes différents. Cependant il n'y a aucun motif de fierté car Jésus n’est pas mort seulement pour nous, mais pour tous ceux qui nous détestent. Pas seulement pour nous, mais aussi pour ceux qui sont sous l’emprise du malin. Pas seulement pour nous, mais aussi pour le monde méchant qui L’a rejeté. C’est la raison sur laquelle se fonde notre responsabilité de dire à ce monde qu’Il est mort pour eux.


Article original : PICIRILLI, Robert. Calvinisme, arminianisme et théologie du salut : Deuxième conférence : L'étendue de l'expiation. In : Global Training Resources [en ligne]. 2016-11 [consulté le 2020-06-26]. Disponible à l’adresse : https://globaltrainingresources.org/blog/resources/letendue-de-lexpiation-seconde-conference-dr-picirilli/?lang=fr. Reproduit avec autorisation.