Réponse à la question, qu'est-ce qu'un arminien ? par un ami de la libre grâce

John Wesley


Tableau : HONE, Nathaniel. John Wesley [détail]. 1766.

1. Dire : « Cet homme est un arminien » a le même effet sur de nombreux auditeurs que de dire : « C'est un chien enragé ». Cela les effraie aussitôt : ils s'enfuient loin de lui à toute allure ; et ils ne s'arrêteront guère, à moins que ce ne soit pour jeter des pierres sur cet affreux animal.

2. Plus le mot est inintelligible, mieux il répond à l'objectif. Ceux sur qui il est apposé ne savent pas quoi faire : Ne comprenant pas ce qu’il signifie, ils ne peuvent pas savoir quelle défense présenter, ni comment se dégager de l'accusation. Et il n'est pas plus aisé de faire tomber les préjugés dont d'autres se sont imprégnés, alors qu’ils n'en savent eux-mêmes pas plus, excepté qu'il s'agit de « quelque chose de très mauvais », voire même de « la chose la plus mauvaise qui soit » !

3. Pour un grand nombre de personnes, il peut donc être utile de clarifier le sens de ce terme : Pour ceux qui l'apposent si facilement sur d'autres, afin qu'ils ne l'utilisent plus sans le comprendre; pour ceux qui l'entendent, afin qu'ils ne soient plus trompés par des hommes qui parlent de ce qu'ils ne connaissent pas, et pour ceux sur qui ce terme est apposé, afin qu'ils puissent savoir par eux-mêmes comment répondre.

4. Il peut être nécessaire d'observer, premièrement, que beaucoup confondent les arminiens avec les ariens. Mais c'est une toute autre chose, l'un n'a aucune ressemblance avec l'autre. Un arien est celui qui nie la divinité du Christ et qui affirme donc : nous n'avons guère besoin de parler de divinité suprême et éternelle concernant Christ ; car il ne peut y avoir d'autre Dieu que le Dieu suprême et éternel, à moins que nous ne fassions deux Dieux, un grand et un petit. Or, personne n'a jamais cru plus fermement, ou affirmé plus fermement, la divinité du Christ, comme la grande majorité de ceux qu’on appelle arminiens l'ont fait ; oui, et le font encore aujourd'hui. L'arminianisme (quel qu'il soit) est donc totalement différent de l'arianisme.

5. Voici la manière dont ce terme a fait son apparition : Jakob Harmens, en latin, Jacobus Arminius, fut d'abord l'un des ministres d'Amsterdam, puis professeur de théologie à Leyde. Il fit ses études à Genève. En 1591, il commença à douter des principes [calvinistes] qu'il avait reçus jusqu'alors. Et étant de plus en plus convaincu qu’ils étaient erronés, lorsqu'il fut investi de la chaire de professeur, il enseigna publiquement ce qu'il croyait être la vérité, jusqu'à ce que, en 1609, il meure en paix. Mais quelques années après sa mort, des hommes zélés, ayant à leur tête le prince d'Orange, s'en prirent furieusement à tous ceux qui partageaient ce qu'on appelait ses opinions. Ils les firent condamner solennellement, lors du fameux Synode de Dordrecht, (pas aussi grand ni aussi érudit, mais aussi impartial que le Concile ou le Synode de Trente). Certains furent mis à mort, d'autres bannis, d'autres encore emprisonnés à vie, tous renvoyés de leur emploi, et rendus incapables d'exercer une quelconque fonction, que ce soit dans l’Église ou dans l’État.

6. Les erreurs qui furent imputées à ceux qu'on appelait habituellement arminiens sont au nombre de cinq : (1.) Qu'ils niaient le péché originel ; (2.) Qu'ils niaient la justification par la foi ; (3.) Qu'ils niaient la [double] prédestination absolue ; (4.) qu'ils niaient que la grâce de Dieu soit irrésistible ; et, (5.) Qu'ils affirmaient qu'un croyant peut déchoir de la grâce.
En ce qui concerne les deux premiers chefs d'accusation, ils plaident « non coupables ». Ceux-ci sont entièrement faux. Aucun homme ayant existé, pas même Jean Calvin, n'a affirmé le péché originel ou la justification par la foi en des termes plus forts, plus clairs et plus explicites qu'Arminius. Ces deux accusations doivent donc être écartées de la discussion. En effet, les deux parties sont d'accord sur ces points. À cet égard, il n'y a pas un cheveu de différence entre M. Wesley et M. Whitefield.

7. Mais il y a une différence indéniable entre les calvinistes et les arminiens, en ce qui concerne les trois autres points. Sur ceux-ci, ils se divisent ; concernant la prédestination, les premiers la croient absolue, les seconds conditionnelle. Les calvinistes soutiennent, (1.) que Dieu a décrété inconditionnellement, de toute éternité, de sauver telle ou telle personne, et aucune autre ; et que Christ est mort pour ces personnes, et aucune autre. Les arminiens soutiennent que Dieu a décrété, de toute éternité, à tous ceux pour qui la parole a été écrite : « Celui qui croira [...] sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. ». Et pour cela, « Christ [...] est mort pour tous », tous ceux qui « étaient morts par leurs offenses et par leurs péchés », c'est-à-dire pour chaque enfant d'Adam, puisque « tous meurent en Adam ».

8. Les calvinistes soutiennent, en second lieu, que la grâce salvatrice de Dieu est absolument irrésistible ; que nul homme n'est capable d'y résister, pas plus qu'il n'est capable de résister à la foudre. Les arminiens soutiennent que, bien qu'il puisse y avoir des moments où la grâce de Dieu agit irrésistiblement, de manière générale, tout homme peut y résister, et qu'à sa ruine éternelle, l'homme reconnaîtra que la grâce reçue par la volonté de Dieu, lui aurait donné la possibilité d'être sauvé pour l’éternité.

9. Les calvinistes soutiennent, troisièmement, qu'un vrai croyant en Christ ne peut déchoir de la grâce. Les arminiens soutiennent qu'un vrai croyant peut  « perdre une bonne conscience et faire naufrage par rapport à la foi » ; qu'il peut tomber, non seulement pour sa propre honte, mais aussi, jusqu'à la possibilité de se perdre à jamais.

10. En fait, les deux derniers points, la grâce irrésistible et la persévérance infaillible, sont la conséquence naturelle du premier, le décret inconditionnel. Car si Dieu a éternellement et inconditionnellement décrété de sauver telle ou telle personne, il s'ensuit, d'une part, qu'elle ne peut résister à sa grâce salvatrice, (sinon elle pourrait ne pas obtenir le salut,) et, d'autre part, qu'elle ne peut finalement pas déchoir de cette grâce à laquelle elle ne peut résister. De sorte que, en fait, les trois questions n’en font qu'une : « La prédestination est-elle absolue ou conditionnelle ? » Les arminiens croient qu'elle est conditionnelle, les calvinistes, qu'elle est absolue.

11. Éloignons-nous, donc, de toute ambiguïté ! Éloignons-nous de toutes les expressions qui ne font que nous rendre perplexes ! Laissons les hommes honnêtes s'exprimer, et ne jouons pas avec des mots difficiles que les gens ne comprennent pas. Et comment un homme peut-il savoir ce que soutenait Arminius, alors qu'il n'a jamais lu une seule page de ses écrits ? Que personne ne blâme les arminiens, tant qu'il ne sait pas ce que le terme signifie ; ensuite il comprendra que les arminiens et les calvinistes sont à un même niveau. Et les arminiens ont autant le droit d'être en colère contre les calvinistes, que ceux-ci ont le droit de l'être contre eux. Jean Calvin était un homme pieux, instruit et raisonnable ; tout comme Jakob Hermans. De nombreux calvinistes sont des hommes pieux, instruits et raisonnables ; tout comme de nombreux arminiens. La seule différence est que les premiers présentent une prédestination absolue et les seconds, une prédestination conditionnelle.

12. Encore un mot : D'abord, que ce soit en public ou en privé, n'est-il pas du devoir de tout prédicateur arminien de ne jamais utiliser le mot calviniste comme un terme de réprimande ? car quel gain procure l’insulte ?  Ceci est d'ailleurs une pratique pas plus conforme au bon sens ou aux bonnes manières, qu’au christianisme. Ensuite, tout prédicateur arminien ne doit-il pas faire tout ce qui lui est possible pour encourager ses auditeurs à ne pas utiliser le terme de calvinistes péjorativement, en leur montrant le péché et la folie de cette attitude ? De même, que ce soit en public ou en privé, n’est-ce pas également le devoir de tout prédicateur calviniste de ne jamais utiliser le mot arminien comme un terme de réprimande ? Et, tout prédicateur calviniste ne devrait-il pas faire tout ce qui lui est possible pour encourager ses auditeurs à ne pas utiliser le terme d'arminiens péjorativement, montrant le péché et la folie de cet acte ; et ceci le plus sincèrement et diligemment s’ils y ont été habitués ? Peut-être seront-ils encouragés par son propre exemple !


Article original : WESLEY, John. The Question, "What Is an Arminian?" Answered by a Lover of Free Grace. In : The Works of John Wesley. Grand Rapids, MI : Baker Book House, 1872, vol. 10, p. 358-361. Disponible à l’adresse : https://evangelicalarminians.org/john-wesley-the-question-what-is-an-arminian-answered-by-a-lover-of-free-grace/