Problématique
Ésaïe écrit que Dieu « donne la prospérité, et [...] crée l'adversité » (Es 45:7). Des traductions plus anciennes traduisent le mot hébreu « ra` » par « malheur » (version Darby) ou même par « mal » (version anglaise ASV). Dieu serait-il l’auteur du mal ?
Réponse
Non ! Dieu ne cause pas le mal. Le psalmiste écrit « Car tu n’es pas un Dieu qui prend plaisir au mal. Auprès de toi, le mal n’a pas de place » (Ps 5.5 version semeur). Il dit encore « il n'y a point en lui d'iniquité » (Ps 92:16). Paul s’exclame « Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l'injustice ? Loin de là ! » (Rm 9:14). Jacques affirme « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d'en haut, du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement ni ombre de variation » (Jc 1:17). Nous pourrions encore citer bien d'autres passages. La Bible enseigne clairement le fait que Dieu soit moralement irréprochable et qu’ainsi il ne commet jamais le mal.
Le mot hébreu pour « mal » est « ra` ». Alors que les traductions plus anciennes traduisent souvent ce terme par « mal », les traductions plus récentes utilisent souvent « détresse » ou « adversité ». C’est le contexte qui permet de déterminer la traduction adéquate. Motyer nous apprend que « sur environ 640 occurrences du mot ra` (dont la signification peut aller du simple "mauvais" goût jusqu’au mal moral), il y en a 275 où le sens du mot est "difficulté" ou "adversité"1MOTYER, J. A.. The Prophecy of Isaiah: An Introduction & Commentary. Downers Grove, IL : InterVarsity Press, 1996, Isaiah 45:7. ». Puisque le contexte d'Ésaïe 45 concerne le malheur que Cyrus va faire tomber sur les ennemis d'Israël, Dieu explique que cet événement est un jugement. Grogan écrit que Dieu « apporte les adversités comme punition pour le péché [et] est souverain sur toutes choses. Ésaïe avait déjà précédemment exprimé le fait que Dieu apporte un jugement sur les hommes à cause de leurs péchés à travers l’adversité (cf. Es 10:5-12)2GROGAN, G. W.. Isaiah. In : GAEBELAIN, F. E. [Ed.]. The Expositor’s Bible Commentary: Isaiah, Jeremiah, Lamentations, Ezekiel. Grand Rapids, MI : Zondervan Publishing House, 1986, vol. 6, p. 271. ». Alors que Cyrus est l'agent moral libre, Dieu est le Seigneur souverain sur l'histoire.
Ce qui est bon relève de la volonté morale de Dieu (Jc 1:17), tandis que ce qui est mauvais relève de sa volonté permissive. Ainsi, Dieu ne crée pas le mal, mais il le permet. Bien que ces distinctions de volonté existent au sein du caractère de Dieu, l'Écriture l'exprime parfois imprécisément lorsqu’elle rapporte des événements. Nous sommes d'accord avec le spécialiste de l'Ancien Testament Walter Kaiser qui fait remarquer que « le langage scripturaire attribue souvent directement à Dieu ce qu'il a simplement permis3KAISER, Walter C.. More Hard Sayings of the Old Testament. Downers Grove, IL: InterVarsity, 1992, p. 132. ». Parfois, la Bible affirmera qu'un acte résulte de la décision libre d'un individu ; d'autres fois, elle dira que l'acte a été causé par Dieu. Puisque Dieu est souverain (ou au contrôle) sur toutes choses, rien ne se passe sans qu'il ne le cause ou ne le permette.
On trouve dans l'Écriture plusieurs exemples dans lesquels Dieu est mentionné comme cause directe d'un événement, alors que d'autres passages montrent que (si l'on regarde derrière le rideau), il avait simplement permis l’événement :
- Qui a crucifié Jésus ? La Bible indique que c'est à cause de Satan et des hommes mauvais que Jésus a été crucifié (Jn 13:2). Cependant, elle indique également que cela est arrivé « selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu » (Actes 2:23). De même, les décisions prises librement par Ponce Pilate, Hérode et le reste du peuple ont également accompli « tout ce que ta [Dieu] main et ton conseil avaient arrêté d'avance » (Actes 4:28).
- Qui a tué Saül ? 1 Samuel 31 et 1 Chroniques 10 indiquent clairement que Saül s'est suicidé (1Sa 31:4 ; 1Ch 10:4). Cependant, nous pouvons aussi lire : « l'Éternel le [Saül] fit mourir, et transféra la royauté à David, fils d'Isaï. » (1Ch 10:14).
- Samson désirait une fille philistine qu'il convoitait puis l'a prise pour femme. Il a décidé librement de faire ce que Dieu avait interdit. Et pourtant, l'auteur de Juges écrit : « Son père et sa mère ne savaient pas que cela venait de l'Éternel » (Juges 14:4). Nous voyons ici que le choix de Samson était mauvais, et pourtant, il venait « de l'Éternel ». Dieu avait un plan pour utiliser cette décision libre dont Samson et sa famille n'avait pas connaissance (cf. Rm. 8:28 ; Gn. 50:20).
- 2 Samuel 24:1 rapporte que Dieu avait demandé à David de faire le recensement du peuple d’Israël, alors que 1 Chroniques 21:1 rapporte que c'était Satan qui poussa David à le faire.
- 1 Rois 22:23 affirme : « l'Éternel a mis un esprit de mensonge dans la bouche de tous tes prophètes ». Ce passage attribue de manière directe la présence du mauvais esprit à Dieu seul. Cependant, lorsque nous lisons le contexte, nous voyons que le mauvais esprit s'est en réalité porté volontaire pour accomplir cela (1R 22:21). Ainsi Dieu n’a donné que sa permission (1R 22:22). Bien que Dieu dise au démon « sors, et fais ainsi ! », cela ne signifie pas nécessairement que la volonté active de Dieu était concernée. Dieu avait également dit au peuple d'Israël : « Allez à Béthel, et péchez ! » (Amos 4:4). Il est clair que Dieu ne désirerait jamais (de par sa volonté morale) que son peuple pèche, mais il le permet (de par sa volonté permissive). En effet, la suite du passage indique « c'est là ce que vous aimez [pécher], enfants d'Israël » (Amos 4:5).
- Job 1-2 affirme que c'est Satan qui a affligé Job, alors qu'à la fin du livre, l’entourage et les amis de Job « le consolèrent de tous les malheurs que l'Éternel avait fait venir sur lui » (Job 42:11).
- Exode 12:23-24 déclare : « Quand l'Éternel passera pour frapper l'Égypte, et verra le sang sur le linteau et sur les deux poteaux, l'Éternel passera par-dessus la porte, et il ne permettra pas au destructeur d'entrer dans vos maisons pour frapper. Vous observerez cela comme une loi pour vous et pour vos enfants à perpétuité ». Cependant, le psalmiste écrit clairement que ce n'était en fait pas l'Éternel, mais « une troupe d'anges de malheur » (Ps. 78:49 version S21).
D'autres passages soulignent que Satan doit demander la « permission » pour pouvoir s'en prendre aux hommes (Lc 22:31). Ainsi, l'activité démoniaque (qui est clairement mauvaise) n'est pas en lien avec la volonté active de Dieu, mais avec sa volonté permissive. Cette terminologie de la causalité a pour objectif de montrer la souveraineté de Dieu. Rien ne se passe sans qu'il ne le permette. Pour les personnes de l’époque des récits (qui avaient une peur bleue des démons), il s’agissait probablement d’un message réconfortant. Il est plus difficile pour des personnes modernes de percevoir cela. En effet, il est acquis pour les générations actuelles que la souveraineté de Dieu s’étend sur les esprits démoniaques.
Article original : ROCHFORD, James M.. (Isa. 45:7) Does God create evil? (cf. Lam. 3:38; Jer. 18:8; Amos 3:6; 1 Sam. 16:14; 18:10). In : Evidence Unseen [en ligne]. [consulté le 2020-07-23]. Disponible à l’adresse : https://www.evidenceunseen.com/bible-difficulties-2/ot-difficulties/isaiah-ezekiel/isa-457-does-god-create-evil-cf-lam-338-jer-188-amos-36/
Source des citations bibliques : La Sainte Bible : nouvelle édition de Genève 1979. Genève : Société Biblique de Genève, 1979.