Ordo Salutis : un regard équilibré sur les étapes du salut chrétien

Questions

En théologie, on utilise le concept « d'ordre du salut » ou encore « ordo salutis » en latin. Je poursuivrai mon exposé à ce sujet en utilisant simplement le terme « ordo ». Un ordo est une tentative d'exprimer dans un ordre logique, et non chronologique, les étapes du début à la fin de l'œuvre du salut pour une personne. Bien entendu, il y a en partie une expression chronologique, car il n'existe aucun moyen d'exprimer un ordo sans avoir recours à un langage chronologique. Cependant, de nombreux théologiens soutiennent que, tout comme pour les décrets de Dieu, les étapes de l'ordo ne sont pas nécessairement chronologiquement séquentiels (particulièrement si nous nous plaçons du point de vue de Dieu).

La Bible et la tradition chrétienne utilisent de nombreux concepts pour définir ce que Dieu accomplit et ce que la personne sauvée accomplit pour passer de l'état de « perdu » à celui de « sauvé » (pour utiliser le langage évangélique) ou de l'état de « damné » à celui de « racheté ». La Bible n'énonce nulle part un ordo clair et univoque. Ainsi, une tâche majeure de la théologie systématique est de réunir tous les concepts bibliques du salut afin de les disposer dans un ordre logique.

Pourquoi ? Parce que les esprits curieux veulent savoir ce que Dieu accomplit et ce que nous accomplissons lorsque nous passons de perdu à sauvé.

La question de l'ordo adéquat est devenue une préoccupation importante lors de la réforme protestante. Cela ne veut pas dire qu'avant la réforme ce sujet n'était pas débattu. Cependant, les protestants, en mettant l'accent sur la grâce seule et la foi seule, ont ressenti le besoin d'offrir un ordo alternatif à l'ordo catholique traditionnel qui mettait l'accent sur les sacrements et les bonnes œuvres en tant que causes instrumentales de la grâce salvatrice. Les calvinistes ont élaboré leur propre ordo (avec quelques variantes) en mettant l'accent sur la priorité de la grâce par rapport aux décisions ou aux actions humaines.

L'arminianisme, pour sa part, est simplement la recherche d'une voie médiane entre l'ordo catholique et l'ordo calviniste. Arminius et les remontrants trouvaient que ces deux ordos étaient déséquilibrés. En simplifiant, nous pourrions dire que les arminiens ont considéré que l'ordo catholique mettait trop l'accent sur Philippiens 2:12 en négligeant le verset suivant alors que l'ordo calviniste mettait trop l'accent sur Philippiens 2:13 en négligeant le verset précédent. Selon l'arminianisme classique, l'ordo biblique doit rendre compte et considérer aussi bien l'action de Dieu que celle de l'homme dans le processus du salut. La priorité doit, bien entendu se porter sur l'action de Dieu, mais sans négliger celle de l'homme qui est, elle aussi, essentielle.

Voici donc mon essai de formulation d'un ordo arminien :

  1. L'élection par la grâce de Dieu en Christ de tous ceux qui veulent croire en lui.
  2. La mort expiatoire et réconciliatrice du Christ pour tous les pécheurs.
  3. La grâce prévenante accordée par Dieu aux pécheurs par l'intermédiaire de la Parole (cette grâce appelle, condamne, illumine, habilite).
  4. La conversion (repentance et foi) rendue possible par la grâce prévenante.
  5. La régénération, la justification, l'adoption, l'union avec Christ, la présence du Saint-Esprit.
  6. La sanctification.
  7. La glorification.

Il faut garder à l'esprit que ces éléments ne sont pas nécessairement séquentiels d'un point de vue chronologique. En particulier, les points 3, 4, 5 et 6 pourraient être simultanés d'un point de vue temporel. Certains arminiens considéreront même que la totalité de la séquence est simultanée dans la conscience de Dieu d'un point de vue temporel, dans la mesure où Dieu n'expérimente pas les événements sous un angle temporel.

Certains arminiens, en particulier les arminiens sacramentaux de la Haute Église, voudront insérer le baptême dans l'ordo. Dans ce cas, ils pourraient l'inclure dans le point 3 en tant que moyen de la grâce prévenante. Ils ajouteront « l'eau du baptême » après « par l'intermédiaire de ».

D'autres arminiens considéreront le point 6 comme un processus qui débute avec le 5 et se termine seulement avec le 7. D'autres encore, en particulier les wesleyens, considéreront le point 6 comme pouvant être pleinement achevé avant le 7.

La chose à retenir est la suivante : dans cet ordo arminien, contrairement à un ordo catholique, une claire distinction logique est faite entre les points 4, 5 et 6. Le point 6 n'est en aucun cas une cause du 4 ou du 5. Contrairement à un ordo calviniste typique, le point 5 suit logiquement le 4.

Pourquoi cela est-il si important ? Eh bien, les arminiens croient que c'est le modèle d'évangélisation de la Bible : l'appel à se repentir et à croire est sérieux. Sans repentir et sans foi, rendus seulement possibles par la grâce prévenante, on ne peut être pleinement sauvé (régénéré, justifié, etc.). Et on ne peut pas compter sur Dieu pour faire cela à notre place, sans une libre acceptation de notre part. L'appel à la conversion est un appel pressant. C'est quelque chose que nous faisons et qui est rendu possible par Dieu, en réponse à l'appel de Dieu, et non quelque chose qui nous arrive malgré nous. Il s'agit d'entrer librement dans une relation nouvelle et non qu'elle soit imposée.


Article original : OLSON, Roger E.. An Arminian Ordo Salutis (Order of Salvation). In : Roger E. Olson: My evangelical arminian theology musings [en ligne]. Patheos, 2013-08-23 [consulté le 2021-09-14]. Disponible à l’adresse : https://www.patheos.com/blogs/rogereolson/2013/08/an-arminian-ordo-salutis-order-of-salvation/