Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère prêts pour la perdition, et s’il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire ? (Romains 9:22-23)
Problématique
Des théologiens calvinistes affirment que ce passage enseigne le concept d’élection inconditionnelle. Certains vont encore plus loin en affirmant qu’il soutient même le concept de double prédestination. Est-ce vraiment le cas ?
Réponse
Un certain nombre de points peuvent être avancés en réponse à cette lecture.
Premièrement, Paul utilise un terme différent (« formés » et « préparés ») pour chacun des deux vases dans les versets 22 et 23. Les mots grecs sont katartizo et proetoimazo. [...] En grec, ces mots ne font pas partie de la même famille.
- katartizo (v. 22) signifie « adapter, ajuster, sembler, compléter, raccommoder, équiper, mettre en ordre, arranger » (Strong)
- proetoimazo (v. 33) signifie « préparer avant, rendre prêt à l'avance » (Strong)
Paul aurait très bien pu utiliser des termes synonymes, il est donc pour le moins intéressant qu'il utilise des termes bien distincts pour décrire le plan de Dieu concernant son jugement et concernant sa grâce. Witherington écrit : « Katērtismena, utilisé pour les vases de colère, est un participe parfait passif. Proētoimasen, utilisé pour les vases de miséricorde, est un aoriste indicatif actif. Cette différence ne peut pas être fortuite, elle suggère que Paul veuille dire que les vases de colère sont mûrs ou prêts pour la destruction. En effet, on pourrait [...] comprendre ce texte à la voix pronominale : "se sont rendus prêts à" la destruction. Dans cette perspective, ce passage ne soutient aucunement la notion de double prédestination. Il fait plutôt référence au fait que ces vases sont bons à la destruction, bien que Dieu les ait supportés pendant longtemps1WITHERINGTON, Ben. Paul's Letter to the Romans: A Socio-Rhetorical Commentary. Grand Rapids, MI : William B. Eerdmans Publishing Co., 2004, p. 258.. »
Deuxièmement, il n'y a pas un sujet qui a « formés » les incroyants pour la destruction, mais Dieu est bien le sujet qui a « préparé » les croyants. Il y a une différence subtile entre les versets 22 et 23. Dieu n'est pas le sujet de la phrase du verset 22 alors qu’il est bien le sujet de la phrase du verset 23. En d'autres termes, Dieu ne prépare pas l'incroyant pour l'enfer ; ils se sont « formés » eux-mêmes pour cela. En revanche, au verset 23, Dieu est celui qui prépare activement les croyants à la gloire.
Troisièmement, ces vases de colère peuvent se transformer en vases de miséricorde. Il n'y a pas de fatalisme dans Romains 9. Dès le début de sa lettre, Paul exhorte les hommes à se tourner vers Dieu et à devenir des vases de miséricorde (Rm 2:4). Cependant, il écrit : « Mais, par ton endurcissement et par ton cœur impénitent, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu » (Rm 2:5). Paul affirme que ces vases de colère peuvent devenir des objets de sa miséricorde, s'ils se tournent simplement vers lui dans la foi. Auparavant, tous les croyants étaient « par nature des enfants de colère, comme les autres » (Ep 2:3). Mais en plaçant notre foi en Christ, nous devenons des objets de miséricorde (Ep 2:8-9). Dans le chapitre suivant, Paul écrit que Dieu a tendu ses mains « tout le jour » vers un peuple « rebelle et contredisant » (Rm 10:21).
Dans une perspective calviniste, il n’y a personne qui ait le libre arbitre [libertarien] et avec laquelle Dieu doive faire preuve de « patience ». Dieu étant la cause ultime de toutes choses, cela inclut tout ce que font ses créatures. Rappelez-vous que les calvinistes considèrent que la « masse d'argile » (Rm 9:21) décrirait le fait que les décisions et la situation de chaque homme sont déterminées par Dieu. Par conséquent, dans le calvinisme, Dieu est finalement « patient » envers lui-même et non envers les agents utilisant leur libre arbitre pour se rebeller contre lui.
Bien entendu, la patience de Dieu fait référence à sa volonté aimante que tous se tournent vers lui. Pierre écrit que Dieu est patient parce qu'il veut que les humains se tournent vers lui dans la foi : « Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2Pi 3:9). Le but de la patience de Dieu envers Israël endurci est de susciter leur jalousie dans le but de les amener à la foi en Christ (Rm 11:11-14).
[N.D.L.R. : Pour une analyse contextuelle de ce passage, voir : Commentaire de Romains 9.]
Article original : ROCHFORD, James M.. (Rom. 9:22-23) Does God create people only to damn them?. In : Evidence Unseen [en ligne]. [consulté le 2020-09-16]. Disponible à l’adresse : https://www.evidenceunseen.com/bible-difficulties-2/nt-difficulties/romans-2/rom-922-23-does-god-created-people-only-to-damn-them/
Source des citations bibliques : La Sainte Bible : nouvelle édition de Genève 1979. Genève : Société Biblique de Genève, 1979.