La théologie arminienne autorise-t-elle l'inerrance biblique ?

Inerrance biblique et arminianisme

Dans le monde protestant, un débat autour de la notion d'inerrance a réémergé en réponse aux critiques rationalistes de la Bible du début du XXe siècle1BRATCHER, Dennis. The Modern Inerrancy Debate. In : The voice [en ligne]. 2023 [consulté le 2023-06-09]. Disponible à l’adresse : https://www.crivoice.org/inerrant.html « Le débat contemporain [sur l'inerrance biblique] a émergé entre les années 1900 et 1920, prenant de l'ampleur dans les années 1970 en tant que réponse aux critiques sévères émises par les sceptiques historiques. Ces critiques visaient à remettre en question l'autorité des Écritures du point de vue du positivisme historique et du naturalisme scientifique. Cependant, dans le zèle pour défendre les Écritures, beaucoup ont simplement capitulé devant l'état d'esprit rationaliste et ont essayé de défendre la Bible sur ce territoire étranger par des règles de base établies par les critiques. La « bataille pour la Bible » qui s’ensuivit est donc une bataille largement menée dans un domaine très éloigné de l'Écriture elle-même, et selon les prémisses d'une logique très rationaliste. [...] Les défenseurs de l'inerrance, sur des bases tout à fait différentes des preuves empiriques, ont supposé que la Bible était vraie comme point de départ. Ceci n'est pas problématique jusqu'ici, du moins du point de vue de la foi. Mais la défense a pris la forme d'un syllogisme qui a fonctionné en sens inverse des rationalistes. Puisque la Bible est vraie en tant qu'hypothèse, et puisque seuls des événements historiques vérifiables peuvent être vrais (acceptant ainsi la prémisse des rationalistes), alors la Bible ne doit contenir que des événements historiques réels et vérifiables et ne peut contenir aucune erreur. Ainsi est née l'inerrance en tant que réponse très rationaliste aux rationalistes. ». Dans l'évangélisme, les développements de ce débat ont été notamment ponctués par la Déclaration de Chicago sur l'inerrance biblique de 1978 qui semble correspondre, quant à elle, à l'aboutissement d'un projet de rationalisation de la théologie évangélique2OLSON, Roger E. Is Real Communication as Perfect “Meeting of Minds” Possible? Some Radical Thoughts about Words like “Inerrancy”. In : Roger E. Olson: My Evangelical, Arminian Theological Musings [en ligne]. Patheos, 2016-02-17 [consulté le 2022-09-09]. Disponible à l’adresse : https://www.patheos.com/blogs/rogereolson/2016/02/is-real-communication-as-perfect-meeting-of-minds-possible-some-radical-thoughts-about-words-like-inerrancy/ « Je pense que [la Déclaration de Chicago sur l'inerrance biblique et son concile] faisait partie d'un projet plus vaste et plus long mené par des adhérents du type de théologie évangélique considérant Charles Hodge et B. B. Warfield comme les véritables prototypes de la théologie évangélique moderne [...] Mes propres observations et études m'amènent à croire que le motif principal était d'exclure la néo-orthodoxie des rangs évangéliques. ».

Le terme d'inerrance est relativement imprécis, car pouvant designer des notions différentes. D'une part, il est possible de considérer l'inerrance biblique comme s’appliquant uniquement aux manuscrits bibliques d'origine ou alors à des copies ultérieures, mais souvent que dans une certaine mesure3GRUDEM, Wayne A.. Systematic theology: an introduction to biblical doctrine. Leicester: Inter-Varsity Press, 2009, p. 96. « Dans la plupart des cas pratiques, les textes savants actuellement publiés de l'Ancien Testament hébreu et du Nouveau Testament grec sont donc les mêmes que les manuscrits originaux. Ainsi, lorsque nous disons que les manuscrits originaux étaient inerrants, nous sous-entendons également que plus de 99 % des mots de nos manuscrits actuels sont également inerrants, car ce sont des copies exactes des originaux. ». D'autre part, il existe des vues diverses sur son champ d'application au sein des textes4GEISLER, Norman L.. How Should We Define Biblical Inerrancy?. In : Defending Inerrancy [en ligne]. 2016 [consulté le 2023-06-09]. Disponible à l’adresse : https://defendinginerrancy.com/define-biblical-inerrancy/ « Certains ne s'en tiennent qu'à une inerrance « d'objectif » plutôt que de proposition. D'autres ne tiennent qu'à une inerrance des enseignements « majeurs » ou « essentiels » plutôt que périphériques. Parmi les deux grandes catégories d'inerrantistes, le différend porte sur l'inerrance limitée par rapport à l'inerrance illimitée. En d'autres termes, la question est de savoir si l'inerrance couvre toutes les questions dont parle la Bible ou si elle est limitée aux seules questions rédemptrices. ». Dans cet article, nous nous limitons à considérer deux déclinaisons courantes :

La première est « l'inerrance d'objectif », qui stipule que les écrits bibliques (tant originaux que les copies et versions ultérieures) sont sans erreur en ce qu'ils transmettent infailliblement la vision divine, le but divin, et la révélation divine envers l'humanité5LEMKE, Steve. W.. The Inspiration and the Authority of Scripture. In : CORLE, Bruce [ed.]. Biblical Hermeneutics: A Comprehensive Introduction to Interpreting Scripture.  Nashville: B&H Publishing Group, 2002, p. 186. « L'inerrance d'objectif affirme que le but de la Bible est d'amener les gens au salut et à la croissance dans la grâce. La Bible accomplit son objectif sans faillir (infaillibilité). ». La deuxième, plus stricte, est « l'inerrance illimitée » stipulant que les manuscrits originaux ne contiennent aucune erreur à tout point de vue : la rédemption, l'éthique, l'histoire, la science, etc. Notons que cette dernière compréhension est celle de la déclaration de Chicago, et de nombreux membres de l'E.T.S.6FARNELL, F. David. [ed.]. Vital issues in the Inerrancy Debate. Eugene, OR: Wipf & Stock, 2011, p. 62. « Le CSBI définit l'inerrance comme une inerrance illimitée, alors que de nombreux membres de l'E.T.S. croient en une inerrance limitée. L'inerrance illimitée affirme que la Bible est vraie sur tout sujet dont elle parle - que ce soit la rédemption, l'éthique, l'histoire, la science ou toute autre chose. » et que dans ce sens restreint, ses utilisateurs avertis l'appellent simplement « inerrance »7WILLIAMS, Joel S. Inerrancy, Inspiration, and Dictation, Restoration Quarterly, 1995, vol. 37, n° 3, art. 2, p. 161. Disponible à l'adresse : https://digitalcommons.acu.edu/restorationquarterly/vol37/iss3/2 « Pour le profane "l'inerrance" signifie que les Écritures sont sans une seule erreur, même en ce qui concerne des détails minimes de géographie, d'histoire, de nombres ou de science. [...] [à contrario] "L'inerrance est un terme hautement technique que les inerrantistes avertis appliquent généralement aux autographes originaux plutôt qu'à la Bible contemporaine qui est construite à partir de différents manuscrits". ».

En ce qui concerne le débat sur l'inerrance, les arminiens se positionnent diversement8OLSON, Roger E.. Arminian Theology : Myths and Realities. Downers Grove : InterVarsity Press, 2009, p. 87-88.. Certains arminiens critiquent les formes d'inerrance biblique strictes (comme l'inerrance illimitée)9OLSON, Roger E. Why inerrancy doesn't matter. In : Roger E. Olson: My Evangelical, Arminian Theological Musings [en ligne]. Patheos, 2010-08-19 [consulté le 2022-09-09]. Disponible à l’adresse : https://www.patheos.com/blogs/rogereolson/2010/08/why-inerrancy-doesnt-matter/ « L'affirmation faite par la plupart des évangéliques conservateurs (et, bien sûr, des fondamentalistes) est que l'autorité biblique subsiste ou tombe avec l'inerrance. Si la Bible contient des erreurs, on ne peut pas lui faire confiance. Ensuite, ils admettent que chaque Bible qui existe contient probablement des erreurs. Seuls les manuscrits originaux écrits par les auteurs inspirés peuvent être considérés comme parfaitement inerrants. [...] Vous ne pouvez pas faire dépendre l'autorité biblique de l'inerrance et ensuite dire qu'aucune Bible existante n'est inerrante sans remettre en question l'autorité de chaque Bible. C'est un trou dans la logique des inerrantistes si énorme que même un étudiant en deuxième année de théologie peut y conduire un camion. »10DUNNING, H. Ray. Grace, Faith, and Holiness. Kansas City: Beacon Hill, 1988, p. 60-62, alors que d'autres les défendent11REASONER, Vic. The Importance of Inerrancy: How Scriptural Authority has Eroded in Modern Wesleyan Theology. Evansville, IN : Fundamental Wesleyan Publishers, 2014. Disponible à l'adresse : https://defendinginerrancy.com/wp-content/uploads/2019/10/Inerrancy.booklet.2.pdf12FORLINES, Leroy. The Quest For Truth. Nashville, TN : Randall House, 2001, p. 50-55..

Dans cet article, la question est de savoir si l'arminianisme permet de croire en l'inerrance biblique selon les deux nuances évoquées précédemment et ce sans contradiction. Nous ne commenterons pas ici la pertinence de ces nuances.

Il est important de noter que la plupart des livres de la Bible sont le résultat d'une compilation par différentes communautés, parfois sur plusieurs siècles, comme dans le cas du Pentateuque. Avant l'apparition d'un texte écrit stable, une phase de témoignage oral impliquait la contribution de nombreuses personnes, pas seulement un auteur unique. Dans certains cas, cela exclut probablement certains modes d'inspiration telles celui de la dictée ou de l'inspiration verbale13LAW, David R.. Inspiration. London : Bloomsbury Publishing, 2010, p. 64-65. « L'analyse littéraire et historique a révélé que de nombreux textes bibliques ne résultent pas d'un travail littéraire individuel, mais plutôt d'une collaboration sur une longue période impliquant de nombreux contributeurs anonymes. Ceci est particulièrement évident dans certains écrits de l'Ancien Testament, qui sont souvent le produit de la compilation et de l'édition de diverses sources. Cette observation remet en question la théorie de l'inspiration verbale, car si le concept de paternité individuelle est ainsi remis en cause, comment pouvons-nous maintenir la notion d'inspiration verbale ? [...] L'exégèse biblique a également révélé que, dans la plupart des cas, les prophètes ne sont pas les auteurs ultimes des textes portant leur nom. Il semble plutôt que les enseignements des prophètes aient été transmis oralement par leurs disciples. Au fil de ce processus, ces traditions orales ont subi des modifications avant d'être finalement consignées par écrit plusieurs années plus tard. Si nous considérons que l'inspiration réside dans la version finale d'un texte, nous adoptons une perspective particulière en affirmant que l'édition finale d'une œuvre prophétique est plus inspirée que le prophète dont les paroles ont ultimement conduit à la composition de l'œuvre. ». Toutefois, en discutant des moyens que Dieu aurait pu utiliser pour assurer l'inerrance, nous nous concentrons ici sur leur faisabilité théorique, sans évaluer la probabilité de leur utilisation individuelle ou combinée.

Enfin, notre réflexion se limitera au cas où ce sont des hommes qui, sous inspiration divine, ont rédigé les manuscrits bibliques, et non directement Dieu ou des créatures angéliques.

La position incompatibiliste de l'arminianisme

Le théisme du libre arbitre et en particulier l'arminianisme relève d'une position incompatibiliste, c'est-à-dire que cette théologie décrit le libre arbitre nécessaire à la responsabilité morale comme incompatible avec le déterminisme14OLSON, Roger E.. The Classical Free Will Theist Model of God. In : WARE, Bruce. Perspectives on the Doctrine of God: Four Views. Nashville, TN : B&H Publishing Group, 2008, p. 149. « Le théisme classique du libre arbitre est ce modèle trouvé implicitement chez les anciens pères de l’église grecs, la plupart des philosophes et théologiens médiévaux. […] Le théisme classique du libre arbitre décrit le libre arbitre comme incompatible avec le déterminisme. ». Ainsi, l'arminianisme affirme que l’expérience de vie habituelle de l’homme est le libre arbitre libertarien qui permet de garantir sa responsabilité morale. Dans cette perspective, il soutient l'idée d'influence et de supervision divine providentielle. D'autre part, il peut tolérer l'idée du contrôle absolu de Dieu sur l'homme du moment que les actes suscités n'engagent pas la responsabilité humaine15OLSON, Roger E.. The Classical Free Will Theist Model of God. In : WARE, Bruce. Perspectives on the Doctrine of God: Four Views. Nashville, TN : B&H Publishing Group, 2008, p. 151. « Parfois, Dieu suspend le libre arbitre avec une intervention particulière qui force pratiquement une personne à décider ou à agir d'une manière ou d'une autre. ». Comme le dit Olson : « L'arminianisme ne comporte aucun dogme spécifique sur la question de savoir si Dieu manipulerait la volonté des hommes et dans quelle mesure, en vue de la réalisation de ses plans (par exemple, la rédaction des Écritures)16OLSON, Roger E. Questions fréquentes sur l’arminianisme. In : Arminianisme Evangélique [en ligne]. 2021-11-10 Disponible à l’adresse : https://arminianisme-evangelique.fr/questions-frequentes-sur-larminianisme/. »

A. Garantie de l'inerrance en accord avec l'auto-déterminisme humain

D'après l'arminianisme, l'expérience habituelle de l'homme est de bénéficier d'une part de liberté qu'on appelle le libre arbitre libertarien ou auto-déterminisme. De ce fait, l'homme a la possibilité de mal accomplir une mission assignée par Dieu.

Dans ce cadre, Dieu peut tout d'abord garantir l'inerrance biblique au moyen de leviers providentiels. Dieu peut veiller à ce qu'un homme donné ait des connaissances appropriées sur les sujets à traiter. Ces connaissances pourront être complétées par toutes sortes de manières, jusqu'à ce qu'elles soient suffisamment précises à ses yeux. Durant la rédaction elle-même, l'homme peut bénéficier d'un éclairage particulier de son intelligence au travers de l'influence synergique du Saint-Esprit. Dans l'hypothèse d'un objectif non atteint, Dieu peut toujours annuler le processus et le recommencer différemment. Ce procédé « providentiel » fait référence aux « théories non-verbales » d'inspiration17BOWDEN, John. Encyclopedia of Christianity. Oxford : Oxford University Press, 2005, p. 630. « Les théories non-verbales situent l'inspiration non pas dans les mots eux-mêmes mais dans le message véhiculé par ces mots ou dans les processus qui ont conduit à la composition de la Bible. L'inspiration du texte biblique en est le résultat. », comme notamment celle de « l'inspiration dynamique18OLSON, Roger E.. The Mosaic of Christian Beliefs: Twenty Centuries of Unity & Diversity. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2016, p. 103. « Ceux qui regardent les auteurs et non les termes ou propositions de l’Écriture comme inspirés par Dieu, tendent à considérer le processus d'inspiration comme indirect et les termes particuliers de l’Écriture comme provenant plus de leurs auteurs humains que du Saint-Esprit. Cette vue est parfois appelée "inspiration dynamique". ». »

Prenons l'exemple de Paul. Pour commencer, Dieu l'aurait choisis en raison de ses connaissances linguistiques, historiques, culturelles et théologiques, acquises tout au long de sa vie. Il lui aurait également transmis toutes sortes de concepts théologiques, au travers de concours de circonstances de sa vie, au travers de visions et au travers d'une visite au troisième ciel. Ainsi, Dieu aurait défini par ces moyens ce qui serait transmis à l'auditoire direct et indirect d'une épître de Paul. Même dans le cas où Paul aurait inadéquatement accompli sa mission, Dieu aurait pu détruire l'épitre en question, et faire recommencer Paul ou un autre serviteur.

En second lieu, nous pouvons aussi envisager que Dieu dicte simplement un texte à un homme sans aucune prise de contrôle sur ce dernier. Il n'y a pas de difficulté à envisager qu'une personne volontaire et rigoureuse puisse accomplir cette tâche simple de mise par écrit sans erreur. Quand bien même des erreurs subsisteraient, celles-ci peuvent être corrigées selon le même procédé. Ce procédé se rapporte à ce que l'on appelle la « théorie de la dictée »19LEMKE, Steve. W.. The Inspiration and the Authority of Scripture. In : CORLE, Bruce [ed.]. Biblical Hermeneutics: A Comprehensive Introduction to Interpreting Scripture.  Nashville: B&H Publishing Group, 2002, p. 178. « La perspective de la dictée (parfois appelée perspective de "dictée mécanique") considère les Écritures comme la Parole divine de Dieu, les humains n'étant que des instruments ou des sténographes à travers lesquels Dieu a exprimé son message. » toutefois sans prise de contrôle.

En ce qui concerne les deux procédés d'inspiration n'impliquant pas de contrôle de Dieu sur l'homme, on conclut ce qui suit :  Si la dictée semble facilement pouvoir garantir l'inerrance illimitée, il semble que le mode d'inspiration par la providence divine ne permette pas de la garantir20BIGNON, Guillaume. Inerrancy, Is It a Matter of Luck?. In : TheoloGUI [en ligne]. 2014-07-13 [consulté le 2022-11-04]. Disponible à l’adresse : https://theologui.blogspot.com/2014/07/inerrancy-is-it-matter-of-luck.html « Il est finalement proposé que l'inspiration et l'inerrance sont si improbables dans le théisme ouvert et l'arminianisme classique qu'elles soient pratiquement impossibles. [...] J'en conclus donc qu'un partisan de l'inspiration telle que définie par l'E.T.S., s'il veut rester cohérent, doit être soit un calviniste, soit un moliniste qui croit en quelque chance divine. ». En revanche, tant la dictée et la providence divine semblent clairement pouvoir garantir l'inerrance d'objectif.

B. Garantie de l'inerrance sous contrôle divin

L'arminianisme peut aussi concevoir un contrôle temporaire de Dieu sur l'homme en vue de garantir l'inerrance biblique. Deux niveaux de contrôle sont envisageables, le premier suscitant un sentiment de contrainte et le deuxième n'en suscitant pas :

En premier lieu, le contrôle peut s'appliquer sur le corps d'une personne indépendamment de sa volonté. Par exemple, Dieu aurait pu prendre le contrôle de la main ou de la voix d'une personne, ou de tout son corps pour que ce dernier écrive ou dicte à un écrivain le texte biblique. Dans ces cas, il n'est pas nécessaire que Dieu prenne le contrôle sur la volonté de cette personne. Ce mode d'inspiration correspond à celui de la « dictée ».

En second lieu, Dieu aurait pu prendre le contrôle des désirs ou de la volonté d'un écrivain afin qu'il agisse sans sentiment de contrainte tout en n'ayant pas la possibilité d'agir autrement. Ce mode d'inspiration peut correspondre à celui de la « dictée » ou à celui de « l'inspiration plénière verbale21LEMKE, Steve. W.. The Inspiration and the Authority of Scripture. In : CORLE, Bruce [ed.]. Biblical Hermeneutics: A Comprehensive Introduction to Interpreting Scripture.  Nashville: B&H Publishing Group, 2002, p. 180. « La perspective verbale plénière décrit les Écritures comme étant la Parole de Dieu. "Plénière" signifie "pleinement" et "verbal" souligne que l'inspiration s'étend aux mots eux-mêmes, de sorte que chaque mot de la Bible est inspiré. ». »

Nous pouvons ici remarquer que ce second procédé d'inspiration est fondé sur un principe sous-jacent différent du déterminisme théologique calviniste. En effet, le calvinisme orthodoxe enseigne que l'homme est responsable des actions qu'il effectue et qui sont tout en même temps déterminées par Dieu22ALEXANDER, David E., JOHNSON, Daniel M.. Introduction. In : ALEXANDER, David E. [ed.], JOHNSON, Daniel M. [ed.]. Calvinism And The Problem Of Evil. Eugene, OR : Pickwick Publications, 2016, p. 4. « Les calvinistes affirment que la responsabilité morale et toute sorte de libre arbitre nécessaire à la responsabilité morale sont compatibles avec toute sorte de déterminisme impliqué par les vues calvinistes de la providence. », ce que l'on appelle le semi-compatibilisme23FISHER, John M.. Semicompatibilism. In : TIMPE, Kevin [ed.], GRIFFITH, Meghan [ed.], LEVY, Neil [ed.]. The Routledge Companion to Free Will. New York, NY : Routledge Taylor & Francis, 2017, p. 5. « En ce qui concerne le déterminisme causal, le semi-compatibilisme est l'opinion selon laquelle le déterminisme causal est compatible avec la responsabilité morale, indépendamment de la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement. Là encore, le semi-compatibilisme ne prend pas position sur la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement ; il est donc compatible à la fois avec le compatibilisme classique [...] et le rejet du compatibilisme classique. ».

A contrario, l'arminianisme rejette l'idée que Dieu tienne une personne moralement responsable des actions réalisées sous contrôle divin, c'est-à-dire dont Dieu est la cause initiale. L'homme est uniquement moralement responsable de ce sur quoi Dieu laisse le contrôle à l'homme24KANE, Robert. Libertarianism. In : Four Views on Free Will. Malden, MA : Blackwell, 2007, p. 7 « Nous, les libertariens, croyons généralement qu'un libre arbitre incompatible avec le déterminisme est nécessaire pour que nous soyons vraiment moralement responsables de nos actions, de sorte que la véritable responsabilité morale, ainsi que le libre arbitre, sont incompatibles avec le déterminisme. ».

Les deux procédés d'inspiration impliquant un contrôle de Dieu sur l'homme, tant le contrôle suscitant un sentiment de contrainte sur l'homme que celui n'en suscitant pas permettent, sans l'ombre d'un doute, de garantir l'inerrance illimitée ainsi que l'inerrance d'objectif.

Conclusion

Dans la perspective de la théologie arminienne, et plus généralement celle du théisme du libre arbitre, nous tirons les conclusions suivantes. Dans le cadre de l'auto-déterminisme humain, d'une part, le mode d'inspiration de la dictée assure l'inerrance d'objectif ainsi que l'innerance illimitée. D'autre part, le mode d'inspiration fondé sur la providence divine est suffisant pour garantir l'inerrance d'objectif. En outre, les deux formes d'inerrance envisagées peuvent être entièrement assurées par l'intermédiaire d'un contrôle divin temporaire.


Version anglaise de l'article : Does Arminian theology allow for biblical inerrancy?

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Références

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    OLSON, Roger E. Questions fréquentes sur l’arminianisme. In : Arminianisme Evangélique [en ligne]. 2021-11-10 Disponible à l’adresse : https://arminianisme-evangelique.fr/questions-frequentes-sur-larminianisme/
  • 17
    BOWDEN, John. Encyclopedia of Christianity. Oxford : Oxford University Press, 2005, p. 630. « Les théories non-verbales situent l'inspiration non pas dans les mots eux-mêmes mais dans le message véhiculé par ces mots ou dans les processus qui ont conduit à la composition de la Bible. L'inspiration du texte biblique en est le résultat. »
  • 18
    OLSON, Roger E.. The Mosaic of Christian Beliefs: Twenty Centuries of Unity & Diversity. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2016, p. 103. « Ceux qui regardent les auteurs et non les termes ou propositions de l’Écriture comme inspirés par Dieu, tendent à considérer le processus d'inspiration comme indirect et les termes particuliers de l’Écriture comme provenant plus de leurs auteurs humains que du Saint-Esprit. Cette vue est parfois appelée "inspiration dynamique". »
  • 19
    LEMKE, Steve. W.. The Inspiration and the Authority of Scripture. In : CORLE, Bruce [ed.]. Biblical Hermeneutics: A Comprehensive Introduction to Interpreting Scripture.  Nashville: B&H Publishing Group, 2002, p. 178. « La perspective de la dictée (parfois appelée perspective de "dictée mécanique") considère les Écritures comme la Parole divine de Dieu, les humains n'étant que des instruments ou des sténographes à travers lesquels Dieu a exprimé son message. »
  • 20
    BIGNON, Guillaume. Inerrancy, Is It a Matter of Luck?. In : TheoloGUI [en ligne]. 2014-07-13 [consulté le 2022-11-04]. Disponible à l’adresse : https://theologui.blogspot.com/2014/07/inerrancy-is-it-matter-of-luck.html « Il est finalement proposé que l'inspiration et l'inerrance sont si improbables dans le théisme ouvert et l'arminianisme classique qu'elles soient pratiquement impossibles. [...] J'en conclus donc qu'un partisan de l'inspiration telle que définie par l'E.T.S., s'il veut rester cohérent, doit être soit un calviniste, soit un moliniste qui croit en quelque chance divine. »
  • 21
    LEMKE, Steve. W.. The Inspiration and the Authority of Scripture. In : CORLE, Bruce [ed.]. Biblical Hermeneutics: A Comprehensive Introduction to Interpreting Scripture.  Nashville: B&H Publishing Group, 2002, p. 180. « La perspective verbale plénière décrit les Écritures comme étant la Parole de Dieu. "Plénière" signifie "pleinement" et "verbal" souligne que l'inspiration s'étend aux mots eux-mêmes, de sorte que chaque mot de la Bible est inspiré. »
  • 22
    ALEXANDER, David E., JOHNSON, Daniel M.. Introduction. In : ALEXANDER, David E. [ed.], JOHNSON, Daniel M. [ed.]. Calvinism And The Problem Of Evil. Eugene, OR : Pickwick Publications, 2016, p. 4. « Les calvinistes affirment que la responsabilité morale et toute sorte de libre arbitre nécessaire à la responsabilité morale sont compatibles avec toute sorte de déterminisme impliqué par les vues calvinistes de la providence. »
  • 23
    FISHER, John M.. Semicompatibilism. In : TIMPE, Kevin [ed.], GRIFFITH, Meghan [ed.], LEVY, Neil [ed.]. The Routledge Companion to Free Will. New York, NY : Routledge Taylor & Francis, 2017, p. 5. « En ce qui concerne le déterminisme causal, le semi-compatibilisme est l'opinion selon laquelle le déterminisme causal est compatible avec la responsabilité morale, indépendamment de la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement. Là encore, le semi-compatibilisme ne prend pas position sur la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement ; il est donc compatible à la fois avec le compatibilisme classique [...] et le rejet du compatibilisme classique. »
  • 24
    KANE, Robert. Libertarianism. In : Four Views on Free Will. Malden, MA : Blackwell, 2007, p. 7 « Nous, les libertariens, croyons généralement qu'un libre arbitre incompatible avec le déterminisme est nécessaire pour que nous soyons vraiment moralement responsables de nos actions, de sorte que la véritable responsabilité morale, ainsi que le libre arbitre, sont incompatibles avec le déterminisme. »