La théologie arminienne autorise-t-elle l'inerrance biblique ?

Inerrance biblique et arminianisme

Dans le monde protestant, un débat autour de la notion d'inerrance s'est instauré en réponse aux critiques rationalistes de la Bible du début du XXe siècle1BRATCHER, Dennis. The Modern Inerrancy Debate. In : The voice [en ligne]. 2023 [consulté le 2023-06-09]. Disponible à l’adresse : https://www.crivoice.org/inerrant.html « Le débat moderne [sur l'inerrance biblique] a surgi entre les années 1900 et 1920, et s'est développé dans les années 1970, comme une défense contre les sceptiques historiques qui lançaient des attaques très cinglantes contre l'autorité de l'Écriture du point de vue du positivisme historique et du naturalisme scientifique. Cependant, dans le zèle pour défendre les Écritures, beaucoup ont simplement capitulé devant l'état d'esprit rationaliste et ont essayé de défendre la Bible sur ce territoire étranger par des règles de base établies par les critiques. La « bataille pour la Bible » qui s’ensuivit est donc une bataille largement menée dans un domaine très éloigné de l'Écriture elle-même, et selon les prémisses d'une logique très rationaliste. [...] Les défenseurs de l'inerrance, sur des bases tout à fait différentes des preuves empiriques, ont supposé que la Bible était vraie comme point de départ. Ceci n'est pas problématique jusqu'ici, du moins du point de vue de la foi. Mais la défense a pris la forme d'un syllogisme qui a fonctionné en sens inverse des rationalistes. Puisque la Bible est vraie en tant qu'hypothèse, et puisque seuls des événements historiques vérifiables peuvent être vrais (acceptant ainsi la prémisse des rationalistes), alors la Bible ne doit contenir que des événements historiques réels et vérifiables et ne peut contenir aucune erreur. Ainsi est née l'inerrance en tant que réponse très rationaliste aux rationalistes. ». Dans l'évangélisme, les développements de ce débat ont été notamment ponctués par la Déclaration de Chicago sur l'inerrance biblique de 1978 qui semble correspondre, quant à elle, à l'aboutissement d'un projet de rationalisation de la théologie évangélique2OLSON, Roger E. Is Real Communication as Perfect “Meeting of Minds” Possible? Some Radical Thoughts about Words like “Inerrancy”. In : Roger E. Olson: My Evangelical, Arminian Theological Musings [en ligne]. Patheos, 2016-02-17 [consulté le 2022-09-09]. Disponible à l’adresse : https://www.patheos.com/blogs/rogereolson/2016/02/is-real-communication-as-perfect-meeting-of-minds-possible-some-radical-thoughts-about-words-like-inerrancy/ « Je pense que [la Déclaration de Chicago sur l'inerrance biblique et son concile] faisait partie d'un projet plus vaste et plus long mené par des adhérents du type de théologie évangélique considérant Charles Hodge et B. B. Warfield comme les véritables prototypes de la théologie évangélique moderne [...] Mes propres observations et études m'amènent à croire que le motif principal était d'exclure la néo-orthodoxie des rangs évangéliques. ».

Le terme d'inerrance est relativement imprécis, car pouvant designer des notions différentes. D'une part, il est possible de considérer l'inerrance biblique comme s’appliquant uniquement aux manuscrits bibliques d'origine ou alors à des copies ultérieures, mais souvent que dans une certaine mesure3GRUDEM, Wayne A.. Systematic theology: an introduction to biblical doctrine. Leicester: Inter-Varsity Press, 1994, p. 90. « Dans la plupart des cas pratiques, les textes savants actuellement publiés de l'Ancien Testament hébreu et du Nouveau Testament grec sont donc les mêmes que les manuscrits originaux. Ainsi, lorsque nous disons que les manuscrits originaux étaient inerrants, nous sous-entendons également que plus de 99 % des mots de nos manuscrits actuels sont également inerrants, car ce sont des copies exactes des originaux. ». D'autre part, il existe des vues diverses sur son champ d'application au sein des textes4GEISLER, Norman L.. How Should We Define Biblical Inerrancy?. In : Defending Inerrancy [en ligne]. 2016 [consulté le 2023-06-09]. Disponible à l’adresse : https://defendinginerrancy.com/define-biblical-inerrancy/ « Certains ne s'en tiennent qu'à une inerrance « d'objectif » plutôt que de proposition. D'autres ne tiennent qu'à une inerrance des enseignements « majeurs » ou « essentiels » plutôt que périphériques. Parmi les deux grandes catégories d'inerrantistes, le différend porte sur l'inerrance limitée par rapport à l'inerrance illimitée. En d'autres termes, la question est de savoir si l'inerrance couvre toutes les questions dont parle la Bible ou si elle est limitée aux seules questions rédemptrices. ». Dans cet article, nous nous limitons à considérer deux déclinaisons courantes :

La première est « l'inerrance d'objectif », qui stipule que les écrits bibliques (tant originaux que les copies et versions ultérieures) transmettent infailliblement la vision divine, le but divin, et la révélation divine envers l'humanité5HOUSE, H. Wayne. Charts of Christian Theology and Doctrine. Grand Rapids, MI: Zondervan Publishing House, 1992, p. 24. « Inerrance d'objectif : La Bible est sans erreur dans l'accomplissement de son objectif principal d'amener les gens à une communion personnelle avec Christ. Les Écritures, par conséquent, ne sont véridiques (inerrantes) que dans la mesure où elles accomplissent leur objectif principal, et non en étant nécessairement factuelles ou exactes dans ce qu'elles affirment. »6PREUS, Robert. Notes on the Inerrancy of Scripture. Bulletin of the Evangelical Theological Society, 1965, vol. 8, n°4, p. 130-134. Disponible à l'adresse : https://www.etsjets.org/files/JETS-PDFs/8/8-4/BETS_8_4_127-138_Preus.pdf. La deuxième, plus stricte, est « l'inerrance illimitée » stipulant que les manuscrits originaux ne contiennent aucune erreur à tout point de vue : la rédemption, l'éthique, l'histoire, la science, etc. Notons que cette dernière compréhension est celle de la déclaration de Chicago, et de nombreux membres de l'E.T.S.7FARNELL, F. David. [ed.]. Vital issues in the Inerrancy Debate. Eugene, OR: Wipf & Stock, 2011, p. 62. « Le CSBI définit l'inerrance comme une inerrance illimitée, alors que de nombreux membres de l'E.T.S. croient en une inerrance limitée. L'inerrance illimitée affirme que la Bible est vraie sur tout sujet dont elle parle - que ce soit la rédemption, l'éthique, l'histoire, la science ou toute autre chose. » et que dans ce sens restreint, ses utilisateurs avertis l'appellent simplement « inerrance »8WILLIAMS, Joel S. Inerrancy, Inspiration, and Dictation, Restoration Quarterly, 1995, vol. 37, n° 3, art. 2, p. 161. Disponible à l'adresse : https://digitalcommons.acu.edu/restorationquarterly/vol37/iss3/2 « Pour le profane "l'inerrance" signifie que les Écritures sont sans une seule erreur, même en ce qui concerne des détails minimes de géographie, d'histoire, de nombres ou de science. [...] [à contrario] "L'inerrance est un terme hautement technique que les inerrantistes avertis appliquent généralement aux autographes originaux plutôt qu'à la Bible contemporaine qui est construite à partir de différents manuscrits". ».

En ce qui concerne le débat sur l'inerrance, les arminiens se positionnent diversement9OLSON, Roger E.. Arminian Theology : Myths and Realities. Downers Grove : InterVarsity Press, 2009, p. 87-88.. Certains arminiens critiquent les formes d'inerrance biblique strictes (comme l'inerrance illimitée)10OLSON, Roger E. Why inerrancy doesn't matter. In : Roger E. Olson: My Evangelical, Arminian Theological Musings [en ligne]. Patheos, 2010-08-19 [consulté le 2022-09-09]. Disponible à l’adresse : https://www.patheos.com/blogs/rogereolson/2010/08/why-inerrancy-doesnt-matter/ « L'affirmation faite par la plupart des évangéliques conservateurs (et, bien sûr, des fondamentalistes) est que l'autorité biblique subsiste ou tombe avec l'inerrance. Si la Bible contient des erreurs, on ne peut pas lui faire confiance. Ensuite, ils admettent que chaque Bible qui existe contient probablement des erreurs. Seuls les manuscrits originaux sur lesquels les auteurs inspirés ont écrit peuvent être considérés comme parfaitement inerrantes. [...] Vous ne pouvez pas faire dépendre l'autorité de l'inerrance et ensuite dire qu'aucune Bible existante n'est inerrante sans remettre en question l'autorité de chaque Bible. C'est un trou dans la logique des inerrantistes si énorme que même un étudiant en deuxième année de théologie peut y conduire un camion. »11DUNNING, H. Ray. Grace, Faith, and Holiness. Kansas City: Beacon Hill, 1988, p. 60-62, alors que d'autres les défendent12REASONER, Vic. The Importance of Inerrancy: How Scriptural Authority has Eroded in Modern Wesleyan Theology. Evansville, IN : Fundamental Wesleyan Publishers, 2014. Disponible à l'adresse : https://defendinginerrancy.com/wp-content/uploads/2019/10/Inerrancy.booklet.2.pdf13FORLINES, Leroy. The Quest For Truth. Nashville, TN : Randall House, 2001, p. 50-55..

Dans cet article, la question est de savoir si l'arminianisme permet de croire en l'inerrance biblique selon les deux nuances évoquées précédemment et ce sans contradiction. Nous ne commenterons pas ici la pertinence de ces nuances. Concernant les moyens que Dieu pourrait avoir utilisé pour garantir l'inerrance, nous évoquerons ici uniquement leur possibilité théorique et non leur probabilité à être employés que ce soit seuls ou conjointement. Enfin, notre réflexion se limitera au cas où ce sont des hommes qui, sous inspiration divine, ont rédigé les manuscrits bibliques, et non Dieu ou des créatures angéliques.

La position incompatibiliste de l'arminianisme

Le théisme du libre arbitre et en particulier l'arminianisme relève d'une position incompatibiliste, c'est-à-dire que cette théologie décrit le libre arbitre nécessaire à la responsabilité morale comme incompatible avec le déterminisme14OLSON, Roger E.. The Classical Free Will Theist Model of God. In : WARE, Bruce. Perspectives on the Doctrine of God: Four Views. Nashville, TN : B&H Publishing Group, 2008, p. 149. « Le théisme classique du libre arbitre est ce modèle trouvé implicitement chez les anciens pères de l’église grecs, la plupart des philosophes et théologiens médiévaux. […] Le théisme classique du libre arbitre décrit le libre arbitre comme incompatible avec le déterminisme. ». Ainsi, l'arminianisme affirme que l’expérience de vie habituelle de l’homme est le libre arbitre libertarien qui permet de garantir sa responsabilité morale. Dans cette perspective, il soutient l'idée d'influence et de supervision divine providentielle. D'autre part, il peut tolérer l'idée du contrôle absolu de Dieu sur l'homme du moment que les actes suscités n'engagent pas la responsabilité humaine15OLSON, Roger E.. The Classical Free Will Theist Model of God. In : WARE, Bruce. Perspectives on the Doctrine of God: Four Views. Nashville, TN : B&H Publishing Group, 2008, p. 151. « Parfois, Dieu suspend le libre arbitre avec une intervention particulière qui force pratiquement une personne à décider ou à agir d'une manière ou d'une autre. ». Comme le dit Olson : « L'arminianisme ne comporte aucun dogme spécifique sur la question de savoir si Dieu manipulerait la volonté des hommes et dans quelle mesure, en vue de la réalisation de ses plans (par exemple, la rédaction des Écritures)16OLSON, Roger E. Questions fréquentes sur l’arminianisme. In : Arminianisme Evangélique [en ligne]. 2021-11-10 Disponible à l’adresse : https://arminianisme-evangelique.fr/questions-frequentes-sur-larminianisme/. »

A. Garantie de l'inerrance par le biais de l'auto-déterminisme humain

D'après l'arminianisme, l'expérience habituelle de l'homme est de bénéficier d'une part de liberté qu'on appelle le libre arbitre libertarien ou auto-déterminisme. De ce fait, l'homme a la possibilité de mal accomplir une mission assignée par Dieu.

Dans ce cadre, Dieu peut tout d'abord garantir l'inerrance biblique au moyen de leviers providentiels. Dieu peut veiller à ce qu'un homme donné ait des connaissances appropriées sur les sujets à traiter. Ces connaissances pourront être complétées par toutes sortes de manières, jusqu'à ce qu'elles soient suffisamment précises à ses yeux. Durant la rédaction elle-même, l'homme peut bénéficier d'un éclairage particulier de son intelligence au travers de l'influence synergique du Saint-Esprit. Dans l'hypothèse d'un objectif non atteint, Dieu peut toujours annuler un processus ou un résultat en le recommençant différemment. Ce procédé « providentiel » fait référence aux « théories non-verbales » d'inspiration17BOWDEN, John. Encyclopedia of Christianity. Oxford : Oxford University Press, 2005, p. 630. « Les théories non-verbales situent l'inspiration non pas dans les mots eux-mêmes mais dans le message véhiculé par ces mots ou dans les processus qui ont conduit à la composition de la Bible. L'inspiration du texte biblique en est le résultat. »18LAW, David R.. Inspiration. London : Bloomsbury Publishing, 2010, p. 107. « [Selon Gore] c'est cette union du divin avec l'humain dans l'Écriture qui explique la diversité de la littérature biblique et la présence de matériel problématique dans la Bible. Dieu a utilisé les différentes qualités humaines et dons des auteurs bibliques dans la composition de la Bible et ce sont ces diverses qualités humaines et dons qui expliquent les différents types de littérature dans la Bible. Le matériel problématique de la Bible est dû au fait que, bien que "l'inspiration signifie certainement l'illumination du jugement de celui qui consigne", cela ne signifie pas que les écrivains bibliques étaient à l'abri du contexte historique et culturel dans lequel ils vivaient. ».

Prenons l'exemple de Paul. Pour commencer, Dieu l'aurait choisis en raison de ses connaissances linguistiques, historiques, culturelles et théologiques, acquises tout au long de sa vie. Il lui aurait également transmis toutes sortes de concepts théologiques, au travers de concours de circonstances de sa vie, au travers de visions et au travers d'une visite au troisième ciel. Ainsi, Dieu aurait défini par ces moyens ce qui serait transmis à l'auditoire direct et indirect d'une épître de Paul. Même dans le cas où Paul aurait inadéquatement accompli sa mission, Dieu aurait pu détruire l'épitre en question, et faire recommencer Paul ou un autre serviteur.

Certains pensent que ce seul mode d'inspiration par la providence ne permettrait pas de garantir, de manière probable, une inerrance illimitée19BIGNON, Guillaume. Inerrancy, Is It a Matter of Luck?. In : TheoloGUI [en ligne]. 2014-07-13 [consulté le 2022-11-04]. Disponible à l’adresse : https://theologui.blogspot.com/2014/07/inerrancy-is-it-matter-of-luck.html « Il est finalement proposé que l'inspiration et l'inerrance sont si improbables dans le théisme ouvert et l'arminianisme classique qu'elles soient pratiquement impossibles. [...] J'en conclus donc qu'un partisan de l'inspiration telle que définie par l'E.T.S., s'il veut rester cohérent, doit être soit un calviniste, soit un moliniste qui croit en quelque chance divine. ».

En second lieu, nous pouvons aussi envisager que Dieu dicte simplement un texte à un homme sans aucune prise de contrôle sur ce dernier. Il n'y a pas de difficulté à envisager qu'une personne volontaire et rigoureuse puisse accomplir cette tâche simple de mise par écrit sans erreur. Quand bien même des erreurs subsisteraient, celles-ci peuvent être corrigées selon le même procédé. Ce procédé se rapporte à ce que l'on appelle la « théorie de la dictée »20HOUSE, H. Wayne. Charts of Christian Theology and Doctrine. Grand Rapids, MI: Zondervan Publishing House, 1992, p. 23. « Inspiration par dictée : L'auteur biblique est un instrument passif dans la transmission de la révélation de Dieu. La personnalité de l'auteur est mise de côté pour préserver le texte des aspects humains faillibles. Objection : Si Dieu avait dicté l'Écriture, le style, le vocabulaire et l'écriture seraient uniformes. Mais la Bible indique diverses personnalités et manières d'expression chez ses écrivains. » toutefois sans prise de contrôle.

En ce qui concerne les deux procédés d'inspiration n'impliquant pas de contrôle de Dieu sur l'homme, l'inerrance illimitée semble facilement pouvoir être garantie par la dictée, ce qui semble moins probable par l'inspiration providentielle. En revanche, l'inerrance d'objectif est clairement garantie par les deux modes d’inspiration.

B. Garantie de l'inerrance par le biais d'un contrôle divin

L'arminianisme peut aussi concevoir un contrôle temporaire de Dieu sur l'homme en vue de garantir l'inerrance biblique. Deux niveaux de contrôle sont envisageables, le premier suscitant un sentiment de contrainte et le deuxième n'en suscitant pas :

En premier lieu, le contrôle peut s'appliquer sur le corps d'une personne indépendamment de sa volonté. Par exemple, Dieu aurait pu prendre le contrôle de la main ou de la voix d'une personne, ou de tout son corps pour que ce dernier écrive ou dicte à un écrivain le texte biblique. Dans ces cas, il n'est pas nécessaire que Dieu prenne le contrôle sur la volonté de cette personne. Ce mode d'inspiration correspond à celui de la « dictée ».

En second lieu, Dieu aurait pu prendre le contrôle des désirs ou de la volonté d'un écrivain afin qu'il agisse sans sentiment de contrainte tout en n'ayant pas la possibilité d'agir autrement. Ce mode d'inspiration semble correspondre à la « dictée » ou à celui de « l'inspiration plénière verbale21HOUSE, H. Wayne. Charts of Christian Theology and Doctrine. Grand Rapids, MI: Zondervan Publishing House, 1992, p. 23. « Inspiration plénière verbale : Des éléments divins et humains sont présents dans la production de l'Écriture. Le texte entier de l'Écriture, y compris les mots mêmes, est le produit de la pensée de Dieu exprimée en termes et conditions humaines. Objection : Si chaque mot de l'Écriture était un mot venant de Dieu, alors il n'y aurait pas d'influence humaine qui pourrait être observée dans la Bible. ». »

Nous pouvons ici remarquer que ce second procédé d'inspiration est fondé sur un principe sous-jacent différent du déterminisme théologique calviniste. En effet, le calvinisme orthodoxe enseigne que l'homme est responsable des actions qu'il effectue et qui sont tout en même temps déterminées par Dieu, ce que l'on appelle le semi-compatibilisme22FISHER, John M.. Semicompatibilism. In : TIMPE, Kevin [ed.], GRIFFITH, Meghan [ed.], LEVY, Neil [ed.]. The Routledge Companion to Free Will. New York, NY : Routledge Taylor & Francis, 2017, p. 5. « En ce qui concerne le déterminisme causal, le semi-compatibilisme est l'opinion selon laquelle le déterminisme causal est compatible avec la responsabilité morale, indépendamment de la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement. Là encore, le semi-compatibilisme ne prend pas position sur la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement ; il est donc compatible à la fois avec le compatibilisme classique [...] et le rejet du compatibilisme classique. ».

A contrario, l'arminianisme rejette l'idée que Dieu tienne une personne moralement responsable des actions réalisées sous contrôle divin, c'est-à-dire dont Dieu est la cause initiale. L'homme est uniquement moralement responsable de ce sur quoi Dieu laisse le contrôle à l'homme.

Les deux procédés d'inspiration impliquant un contrôle de Dieu sur l'homme, tant le contrôle suscitant un sentiment de contrainte sur l'homme que celui n'en suscitant pas permettent, sans l'ombre d'un doute, de garantir l'inerrance illimitée ainsi que l'inerrance d'objectif.

Conclusion

Dans cet article, nous avons considéré deux variations courantes de l'inerrance biblique : l'inerrance d'objectif et l'inerrance illimitée. Nous concluons que dans la perspective de la théologie arminienne et plus généralement dans le théisme du libre arbitre :

Sur le plan purement théorique, les formes d'inerrance considérées peuvent être garanties par le biais de l'auto-déterminisme humain. Elles peuvent alternativement l'être par le biais d'un contrôle divin temporaire.

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Références

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    HOUSE, H. Wayne. Charts of Christian Theology and Doctrine. Grand Rapids, MI: Zondervan Publishing House, 1992, p. 23. « Inspiration par dictée : L'auteur biblique est un instrument passif dans la transmission de la révélation de Dieu. La personnalité de l'auteur est mise de côté pour préserver le texte des aspects humains faillibles. Objection : Si Dieu avait dicté l'Écriture, le style, le vocabulaire et l'écriture seraient uniformes. Mais la Bible indique diverses personnalités et manières d'expression chez ses écrivains. »
  • 21
    HOUSE, H. Wayne. Charts of Christian Theology and Doctrine. Grand Rapids, MI: Zondervan Publishing House, 1992, p. 23. « Inspiration plénière verbale : Des éléments divins et humains sont présents dans la production de l'Écriture. Le texte entier de l'Écriture, y compris les mots mêmes, est le produit de la pensée de Dieu exprimée en termes et conditions humaines. Objection : Si chaque mot de l'Écriture était un mot venant de Dieu, alors il n'y aurait pas d'influence humaine qui pourrait être observée dans la Bible. »
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    FISHER, John M.. Semicompatibilism. In : TIMPE, Kevin [ed.], GRIFFITH, Meghan [ed.], LEVY, Neil [ed.]. The Routledge Companion to Free Will. New York, NY : Routledge Taylor & Francis, 2017, p. 5. « En ce qui concerne le déterminisme causal, le semi-compatibilisme est l'opinion selon laquelle le déterminisme causal est compatible avec la responsabilité morale, indépendamment de la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement. Là encore, le semi-compatibilisme ne prend pas position sur la question de savoir si le déterminisme causal exclut la liberté de faire autrement ; il est donc compatible à la fois avec le compatibilisme classique [...] et le rejet du compatibilisme classique. »