[Au cours du synode de Dordrecht (1618-1619), Les cinq articles des remontrants (1610) furent soumis à la critique. L'opinion des remontrants (1618) fait état des revendications officielles des remontrants lors du synode. En particulier, ce document confirme leur position sur les quatre premiers articles, et précise leur position sur le cinquième, soit en faveur de la préservation conditionnelle des croyants. Ces points de doctrine furent intégrés peu après dans La confession des remontrants (1621).]
Article 1 : sur la prédestination divine
- Dieu n'a jamais décrété l'élection ou la réprobation d'un homme à la vie éternelle par sa seule volonté et son seul plaisir, sans égard à sa prescience concernant l'obéissance ou la désobéissance de l'homme. Il n’a jamais agi ainsi dans le seul but de démontrer la gloire de sa miséricorde et de sa justice, ou de son pouvoir ou de sa domination absolue.
- Puisque le décret de Dieu concernant à la fois le salut et la destruction de chaque homme n’a pas une finalité déterminée de façon fixe, il s'ensuit que les voies qui, par elles, peuvent efficacement et inévitablement mener les élus et les réprouvés à la fin prévue ne sont pas non plus subordonnées à ce décret.
- C'est pourquoi Dieu, à travers son dessein en un seul homme, Adam, n'a ni créé tous les hommes dans un état de rectitude, ni ordonné la chute ni même sa permission, ni retiré à Adam la grâce nécessaire et suffisante, ni fait en sorte que l'évangile soit prêché afin que les hommes soient appelés seulement extérieurement. Il ne leur confère pas non plus les dons du Saint-Esprit, pour être des moyens par lesquels il puisse donner la vie éternelle à une partie de l'humanité et laisser l'autre déchue de la vie éternelle. Christ le Médiateur n'est pas seulement l'exécutant de l'élection, mais aussi le fondement du décret d'élection lui-même. La raison pour laquelle certains hommes sont efficacement appelés, justifiés, persévèrent dans la foi et sont glorifiés, n'est pas qu'ils seraient élus de manière inconditionnelle à la vie éternelle. Ce n'est pas non plus parce qu'ils n’auraient pas reçu le don du Christ que d'autres seraient abandonnés et livrés à la perdition. Ce n'est pas la raison pour laquelle ils ne seraient pas appelés efficacement, se seraient endurcis et auraient été damnés. Ce n'est donc pas pour de telles raisons que ces hommes seraient inconditionnellement réprouvés de la vie éternelle.
- Dieu n'a pas décrété de laisser la plus grande partie de l'humanité déchue et exclue de toute espérance de salut, indépendamment des péchés actuels.
- Dieu a ordonné que le Christ soit la propitiation pour les péchés du monde entier. En vertu de ce décret, il a décidé de justifier et de sauver ceux qui croient en lui, et d'administrer aux hommes les moyens qui sont nécessaires et suffisants pour la foi, d'une manière qu'il sait être conforme à sa sagesse et à sa justice. Mais il n'a en aucun cas décidé, en vertu d'un décret inconditionnel, de donner le Christ comme médiateur pour les seuls élus, et de les doter eux-seuls de la foi par un appel efficace, pour les justifier, les faire persévérer dans la foi et les glorifier.
- Aucun homme n'est rejeté de la vie éternelle, ni des moyens suffisants pour l'atteindre par un quelconque décret antécédent et inconditionnel. De sorte que les mérites du Christ, sa vocation, et tous les dons de l'Esprit, sont utiles à tous les hommes pour leur salut, et sont en réalité profitables à tous, à moins que par un mauvais usage de ces bénédictions ils ne les bafouent jusqu'à leur propre destruction. Mais aucun homme n'est destiné à l'incrédulité, à l'impiété ou à la pratique du péché, vrais moyens et causes de sa damnation.
- L'élection de certaines personnes est déterminée à partir de la considération de leur foi en Jésus-Christ et de leur persévérance, comme condition préalable. Elle ne se fait jamais sans la considération de leur foi et de leur persévérance dans la vraie foi.
- La réprobation de la vie éternelle se fonde sur la considération antérieure de l'incrédulité et de la persévérance dans celle-ci. Elle n’a jamais lieu sans la considération antérieure de l'incrédulité et de la persévérance dans celle-ci.
- Tous les enfants des croyants sont sanctifiés en Christ, de sorte qu'aucun d'entre eux ne périsse s'il quitte cette vie avant l'usage de la raison. Les enfants de croyants qui quittent cette vie dans leur enfance avant d'avoir commis un péché en leur nom propre, ne sont en aucun cas à compter dans le nombre des réprouvés. Néanmoins, ni le bain sacré du baptême, ni la prière de l'Église ne sont capables, par quelque moyen que ce soit, de leur être profitable pour le salut.
- Aucun enfant de croyants qui a été baptisé au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit, et alors qu'il est dans l'enfance, n'est compté parmi les réprouvés par un décret inconditionnel.
Article 2 : sur l'universalité des mérites de la mort du Christ
- Le prix de la rédemption que le Christ a offert à son Père est en soi non seulement suffisant pour la rédemption de tout le genre humain, mais, par le décret, la volonté et la grâce de Dieu le Père, il a également été payé pour tous les hommes et pour chacun d'eux. Donc, personne n'est exclu indéniablement de toute participation aux fruits de la mort du Christ par un décret inconditionnel et antérieur de Dieu.
- Le Christ a jusqu'à ce jour réconcilié Dieu le Père avec l'humanité entière par le mérite de sa mort, pour que, sans porter atteinte à sa justice et à sa vérité, il puisse et veuille conclure et établir une nouvelle alliance de grâce avec les pécheurs et les hommes rebelles sujets à la damnation.
- Bien que le Christ ait mérité pour tous les hommes et pour chacun d'eux la réconciliation avec Dieu et le pardon des péchés, selon les termes et les conditions de la nouvelle et gracieuse alliance, personne ne bénéficie en réalité des avantages procurés par la mort du Christ autrement que par la foi. Les fautes et les offenses des hommes pécheurs ne sont pas non plus pardonnées avant qu'ils ne croient réellement et véritablement en Christ.
- Le Christ serait mort seulement pour certains ? Dans ce cas, ceux-ci seraient alors contraints de le croire et ceux pour qui le Christ ne serait pas mort et qui ne seraient pas contraints de croire, ne pourraient être condamnés justement pour leur refus de croire. En fait, s'il y avait de tels réprouvés, ils devraient être contraints de croire que le Christ n'est pas mort pour eux.
Article 3 et 4 : sur l'action de la grâce dans la conversion de l'homme
- L'homme n'a pas la foi qui sauve, ni par lui-même ni par les forces de son libre arbitre. Car dans un état de péché, il n'est pas capable par lui-même de penser, de vouloir ou de faire quelque chose de bon et qui contribue à son salut. Mais il est nécessaire que par Dieu en Christ, par son Esprit saint, il soit régénéré et renouvelé dans sa compréhension, ses affections, sa volonté et dans toutes ses forces, afin qu'il soit pleinement capable de comprendre, méditer, vouloir et faire ce qui est bon pour le salut.
- Nous soutenons que la grâce de Dieu est le commencement, le développement et l'achèvement de toute bonne chose, de sorte que, sans cette grâce qui précède, prévient, suscite, accompagne et coopère, même l'homme né de nouveau ne pourrait penser, vouloir faire le bien, ou résister aux tentations du mal. Cela est ainsi, pour que les œuvres et les bonnes actions que l'homme peut faire ou envisager soient attribuées à la grâce de Dieu en Christ.
- Pour autant, nous ne croyons pas que tout le zèle, les attentions, les recherches et les efforts qui sont déployés pour obtenir le salut, avant la foi et l'Esprit de renouvellement, soient vains et inutiles. Nous croyons encore moins qu'ils sont plus nuisibles que profitables à l'homme. Mais, au contraire, nous considérons que l'écoute de la Parole de Dieu, la tristesse pour les péchés commis, la recherche et le désir ardent de la grâce salvatrice et de l'Esprit de renouvellement (dont aucun homme ne peut se passer) ne sont non seulement pas vains et inutiles, mais qu'ils sont plutôt très utiles et extrêmement nécessaires pour obtenir la foi et l'Esprit de renouvellement.
- La volonté de l'homme à l'état déficient ou déchu, et avant l'appel de Dieu, n'a pas la capacité et la liberté de vouloir un bien quelconque qui soit de nature salvatrice. Nous nions donc que la liberté de vouloir tant le bien salvateur que le mal soit à la disposition de la volonté humaine quel que soit son état.
- La grâce efficace, par laquelle tout homme se convertit, n'est pas irrésistible. Et bien que Dieu influence suffisamment la volonté de l'homme par sa Parole et l'action intérieure de son Esprit pour lui conférer une capacité de croire, ou par une puissance surnaturelle, qui pousse véritablement l'homme à croire, l'homme demeure cependant capable de rejeter cette grâce et de ne pas croire ; et donc, aussi, de périr par son propre manquement.
- Bien que, selon la volonté pleinement libre et sans contrainte de Dieu, il y ait une très grande disparité ou inégalité de la grâce divine, le Saint-Esprit accorde ou est prêt à accorder à tous et à chacun de ceux à qui la parole de foi est prêchée, autant de grâce qu'il est nécessaire pour encourager la conversion des hommes selon son besoin. Ainsi donc, la grâce suffisante pour la foi et la conversion n’est pas uniquement limitée à ceux que Dieu aurait décidé de sauver selon son décret d'élection inconditionnel, mais octroyée à tous ceux qui ne sont pas convertis.
- L'homme est rendu capable, par la grâce du Saint-Esprit, de faire plus de bien qu'il ne le peut, et de faire moins de mal qu'il ne le peut. De plus, nous ne croyons pas que Dieu veuille de façon inconditionnelle que l'homme ne fasse pas plus de bien que ce qu'il fait, et qu'il ne fasse pas moins de mal que ce qu'il fait. Enfin nous ne croyons pas non plus qu'il ait décrété de toute éternité chacun des actes des hommes qui devaient être fait ou non.
- Quel que soit l'appel de Dieu, il appelle les hommes avec sérieux, c'est-à-dire avec une intention et une volonté sincère, et non hypocrite, de les sauver. Nous ne souscrivons pas à l'opinion de ceux qui affirment que Dieu appelle extérieurement certains hommes qu'il ne veut pas appeler intérieurement, c'est-à-dire qu'il ne veut pas vraiment voir convertis, avant même qu'ils ne rejettent la grâce de leur appel.
- Il n'y a pas en Dieu une certaine volonté secrète qui s’opposerait particulièrement à sa volonté révélée dans sa Parole, au nom de laquelle il ne voudrait pas la conversion et le salut de la plus grande partie de ceux que, par la parole de son Évangile, et par sa volonté révélée, il appelle et invite sérieusement à la foi et au salut. Sur ce point, nous n'admettons pas non plus de sainte dissimulation, comme c'est la manière de parler de certains hommes, ou d'une double personnalité au sein de la Déité.
- Nous ne croyons pas que Dieu appelle les réprouvés afin de les endurcir davantage, de leur ôter toute excuse, de les punir plus rigoureusement et de les convaincre de leur impuissance ; et tout cela sans aucune intention de les convertir afin qu'ils croient et qu'ils soient sauvés.
- Il n’est pas vrai que, par la force et l'efficacité de la volonté secrète de Dieu ou du décret divin, non seulement toutes les bonnes choses sont faites nécessairement, mais également toutes les mauvaises. Cela reviendrait à ce que quiconque commet un péché ne pourrait, en vertu du décret divin, faire autrement que de le commettre. Cela signifierait qu'ainsi Dieu voudrait et décréterait les péchés des hommes et leurs actions folles, insensées et cruelles. Il voudrait et décréterait le blasphème de son propre nom, ferait mouvoir la langue des hommes pour blasphémer, etc. Il serait le commanditaire du péché des hommes.
- Nous considérons également comme un dogme erroné et odieux le fait que Dieu, par des moyens secrets, pousserait les hommes à commettre des péchés qu'il proscrit ouvertement ; qu'ainsi ceux qui pèchent n'agissent pas à l'encontre de la véritable volonté de Dieu, et de ce qu'il est convenu d'appeler ainsi ; qu'ainsi ce qui est injuste, c'est-à-dire ce qui est contraire aux commandements de Dieu, serait finalement agréable à sa volonté ; et même plus encore, que faire la volonté de Dieu serait un péché réel.
Article 5 : sur la persévérance des vrais croyants dans la foi
- La persévérance des croyants dans la foi n'est pas l'effet de ce décret inconditionnel de Dieu par lequel il aurait élu certaines personnes en particulier sans aucune condition à leur obéissance.
- Par grâce, Dieu procure aux vrais croyants des facultés et des forces surnaturelles, dans une quantité qu'il juge suffisante dans son infinie sagesse pour permettre la persévérance, et avoir la capacité de surmonter les tentations du diable, de la chair et du monde. Rien de ce qui vient de Dieu n'empêche les croyants de persévérer.
- Il est possible pour les vrais croyants de se détourner de la vraie foi et de tomber dans des péchés démontrant explicitement que la personne n'est plus dans une foi véritable et justifiante ; il ne leur est pas uniquement possible de tomber ainsi, car de telles situations se produisent souvent.
- Les vrais croyants sont capables, par leur propre responsabilité, de tomber dans des péchés flagrants et d'une cruauté terrible, de persévérer et de mourir dans ces péchés, et donc finalement de périr en étant perdus.
- Cependant, bien que les vrais croyants puissent tomber dans ces graves péchés détruisant leur conscience, nous ne croyons pas qu'ils soient immédiatement privés de tout espoir de repentance ; bien que nous reconnaissions qu'il soit possible que cette situation puisse en arriver là, nous croyons que Dieu, selon la grandeur de sa miséricorde, peut à nouveau les rappeler à la repentance par sa grâce. Nous pensons même que de tels rappels ont souvent lieu, quand bien même les croyants déchus n'en ont pas une « pleine conscience », cela ne signifie pas que cet acte de grâce n'ait pas eu lieu.
- C'est pourquoi nous rejetons de tout notre cœur et de toute notre force les dogmes suivants, qui sont constamment affirmés dans de nombreuses publications circulant largement au sein de la population, à savoir : (1.) « Les vrais croyants ne peuvent pas pécher par des conseils et des intentions délibérés, mais seulement par ignorance et incapacité. » (2.) « Il est impossible pour les vrais croyants, à cause de leurs péchés, de se détourner de la grâce de Dieu. » (3.) « Mille péchés, et même tous les péchés du monde, ne sauraient rendre l'élection vaine et sans effet. » Si l'on ajoute à cela que : « Les hommes de toutes conditions sont tenus de croire qu'ils sont élus au salut, et sont donc dans l'incapacité de se défaire de cette élection », nous pouvons nous demander si un tel dogme n'ouvre pas aux hommes, une large porte donnant sur une sécurité charnelle. (4.) « Aucun péché, aussi grand et grave qu'il puisse être, n'est imputé aux croyants ; bien au contraire, tous les péchés, présents et futurs, leur sont remis. » (5.) « Il se trouve que les vrais croyants tombent dans des hérésies destructrices, dans des péchés terribles et des plus atroces, tels que l'adultère et le meurtre. De ce fait, l'Église, selon l'institution du Christ, est obligée de rendre témoignage qu'elle ne peut pas les tolérer dans sa communion extérieure, jugeant que si ces personnes ne se reconvertissaient pas, elles ne pourraient avoir une quelconque part dans le royaume du Christ. Il est cependant impossible à de telle personnes de s'écarter totalement et définitivement de la foi. »
- De même qu'un vrai croyant est capable, dans le moment présent, d'être assuré de l'intégrité de sa foi et de sa conscience, de même il est capable et doit être assuré, dans le moment présent, de son propre salut et de la bonne volonté salvatrice de Dieu à son égard. Sur ce point, nous désapprouvons fortement l'opinion des papistes.
- Un vrai croyant, tenant compte du temps à venir, peut et doit en effet être assuré qu'il est capable, au moyen de la vigilance, de la prière et d'autres saints exercices, de persévérer dans la vraie foi ; et que la grâce divine ne manquera jamais de l'aider dans la persévérance. Mais nous ne voyons pas comment il est possible de lui assurer qu'il ne manquera jamais à son devoir par la suite, mais qu'il persévérera dans la foi et dans les œuvres de piété et d'amour qui conviennent à un croyant dans l'école du combat chrétien. Nous ne considérons pas d'ailleurs qu'il soit nécessaire qu'un croyant ait l'assurance d'une telle persévérance.
Source : NEREE, Richard Jean de. Actes du Synode national, tenu à Dordrecht, l'an 1618 et 1619. Leyden : Elsevir, 1, p. 200-202 ; session n°34, 1618-12-17, art. 2-5, p. 222-227. Adapté de l'ancien français. Disponible à l’adresse : https://books.google.fr/books?id=UzZbDLjLAHwC&printsec=frontcover