La doctrine de Dieu : immutabilité, impassibilité et simplicité divines

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Introduction

Lorsque nous disons « Dieu est bon » ou « Dieu est juste », que voulons-nous dire exactement ? Selon certains penseurs, comme Thomas d'Aquin, il est impossible de parler positivement de ce que Dieu est, (ce que fait la théologie dite cataphatique). Ainsi, il est uniquement possible de dire ce que Dieu n'est pas, (ce que fait la théologie dite apophatique). Selon Thomas d'Aquin, « ce Dieu, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il est, mais seulement ce qu'il n'est pas1AQUIN, Thomas. Somme théologique, I, q. 2., a. 2, objection 2. ». Nous devrions donc uniquement utiliser des mots commençant par « in- » ou « im- » : Dieu est incréé, incorporel (n'ayant pas de corps physique), impassible (ne pouvant souffrir), immutable (ne pouvant changer). Et par conséquent, ne pas dire « Dieu est bon ». Il faudrait, en effet, utiliser la « voie de la négation » (via negativa) et dire plutôt « Dieu n'est pas mauvais ». Aucun mot (« nom » [nomen]) ne peut être utilisé littéralement pour Dieu.

[...] Les théologiens chrétiens apophatiques (utilisant uniquement la négation) ont raison de nous rappeler la grandeur et la différenciation incommensurable de Dieu. Il convient que nous soyons « perdus dans l'émerveillement, l'amour et la louange2Issue du chant de Charles Wesley « Love Divine, All Loves Excelling ». » face au Dieu trinitaire mystérieux, insaisissable et infini. Les Écritures elles-mêmes parlent des voies de Dieu comme étant insondables, insaisissables ou impénétrables (Rm 11:33). L'humilité est une réponse appropriée face au Dieu qui bouleverse nos catégories humaines, et nous devons fréquemment nous rappeler les risques d'idolâtrie encourus par la création de fausses conceptions de Dieu visant à le mettre à notre niveau et satisfaire notre égocentrisme.

Ceci dit, l'accent apophatique ressort-il réellement à la lecture des Écritures? Il semble que non. Il semblerait plutôt que certaines conceptions grecques de Dieu (de Platon, du néoplatonisme de Plotin et du Pseudo-Dionysos) aient fortement influencé certaines formes de théologie par la négation3Certains des points mentionnées proviennent de GUNTON, Colin E.. Act and Being: Towards a Theology of the Divine Attributes. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2003.. De quelle manière ? Les dieux grecs traditionnels (par exemple Zeus, Poséidon et Hercule) possédaient certes des pouvoirs spéciaux, mais ils étaient imparfaits et dysfonctionnels. Aucune de ces divinités de type humain (anthropomorphisées) ne pouvait être qualifiée de « plus grand être concevable ».

C'est pourquoi, divers philosophes grecs ont tenté d'améliorer le concept de déité ou de « Dieu ». Nous ne devrions pas être surpris que cette conception révisée ait abouti à quelque chose de moins dynamique et de moins personnel. En fait, le divin dans la philosophie grecque a tendance à être impersonnel, abstrait et sans vie. En revanche, les Écritures mettent l'accent sur un Dieu qui est saint, personnel, qui conclut des alliances, qui a une volonté, qui est dynamique et qui s'engage dans l'histoire. Ce Dieu trinitaire, intrinsèquement relationnel, crée ses rois-prêtres à son image afin qu'ils puissent entrer en relation et régner avec Lui. En nous faisant à son image, Dieu crée la possibilité de se révéler à nous afin que nous puissions penser et parler de Lui avec plus de facilité.

Il semble que la modestie à laquelle la théologie apophatique s'adonne mène, en finalité, à une résistance involontaire à la révélation que Dieu nous a donné de Lui-même. Jésus a dit que celui qui l'a vu a vu le Père (Jn 14:9). Bien que nous soyons faibles et imparfaits, Dieu nous parle malgré tout dans le langage et la culture humaine. Certes, pas d'une manière exhaustive, mais d'une manière adéquate et précise. L'Esprit de Dieu veille à ce que nous fassions l'expérience de la connaissance personnelle de Dieu, et l'incarnation est un rappel du profond lien entre Dieu et l'homme. Jésus (le Fils unique) a « fait l'exégèse » ou a expliqué le Père pour nous (Jn 1:18). Dieu a un profond désir de se communiquer à nous, et, si nous répondons à sa grâce, nous pouvons connaître l'amour extraordinaire de Dieu, qui surpasse la connaissance humaine ordinaire (Ep 3:14-19).

[...] La connaissance de Dieu qui nous est révélée, bien que limitée, est véridique. A travers ses actions dans l'histoire et la révélation biblique, nous pouvons savoir certaines choses dépeignant réellement Dieu. De plus, son Fils incarné, Jésus, est (con)descendu jusqu'à nous et a interprété avec exactitude qui est Dieu pour nous (Jn 1:14-18). Voir Jésus, c'est voir le Père (Jn 14:9).

[...] Certains philosophes prétendent qu'une vision dynamique ne cadrerait pas avec la nature immuable de Dieu (immutabilité). Pourquoi ? Parce que le changement doit s'opérer de la perfection à l'imperfection ou inversement. [...] Cependant, cette vision de l'immutabilité est problématique : elle suppose à tort que le changement implique quelque chose de néfaste. Toutefois, nous pouvons aisément penser à des changements neutres, comme la fluctuation de la température du pôle Sud ou la modification de la couleur d'un caméléon. [...] En outre, ces changements dynamiques [...] de Dieu ne sont pas des changements intrinsèques (c'est-à-dire concernant la nature de Dieu, qui est fixe et stable) mais un changement dans la relation de Dieu à la création. [...]

Immutabilité

Car je suis l'Éternel, je ne change pas [...] (Ma 3:6)

Aristote appelait Dieu le « moteur immobile ». Le théologien Paul Tillich a appelé Dieu « le fondement de tout être ». Tout au long de l'histoire de l'Église, les théologiens ont souvent dépeint Dieu comme absolument sans changement. Tout changement était présumé néfaste. Ainsi, si Dieu subissait un quelconque changement, cela signifierait, dit-on, qu'il devait devenir soit plus parfait, soit moins parfait.

Une telle représentation de Dieu donne l'impression que l'on parle d'un principe statique, impersonnel, abstrait ou mathématique plutôt que d'un être personnel dynamique, vivant, agissant et engagé dans l'histoire comme l'Écriture l'affirme. Le théologien Colin Gunton met en garde sur le fait de ne pas dissocier complètement l'action de Dieu de son être4GUNTON, Colin E.. Act and Being: Towards a Theology of the Divine Attributes. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2003, p. 126.. L'action de Dieu révèle quelque chose de ce qu'il est. Dieu a agi en créant et en s'engageant dans le monde et n'est donc pas absolument sans changement.

Nous avons vu qu'un changement de la part de Dieu n'implique pas nécessairement de passer de la perfection à l'imperfection. Des changements neutres qui n'empiètent pas sur le caractère de Dieu ne posent aucun problème. Ainsi, Dieu peut passer du statut de non-créateur à celui de créateur sans que sa grandeur ne soit diminuée. Dieu peut également passer de la non-incarnation à l'incarnation, en Jésus de Nazareth, un changement plutôt décisif ! La bonté, la puissance et la connaissance nécessaires pour être Dieu ne sont aucunement affectées par l'acquisition de ces nouvelles caractéristiques, qu'il n'avait pas dans un état antérieur.

Une immutabilité absolue ne décrit pas le Dieu biblique. Dieu fait l'expérience de ce que c'est que d'être Créateur. Après avoir créé, Dieu fait l'expérience de la conscience du temps ou du passage du temps. La connaissance qu'a Dieu des événements présents change avec le passage du temps. Ainsi, même si Dieu avait librement choisi de ne pas créer de monde, il n'en demeure pas moins que l'immuabilité absolue n'est pas une caractéristique essentielle de Dieu. Il est toujours possible que Dieu, s'il le voulait, puisse connaître le changement5RICHARDS, Jay W.. The Untamed God. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2003, p. 196. Voir la section de Richards sur l'immuabilité comportant une analyse plus détaillée..

Le théologien historique Jaroslav Pelikan fait remarquer que l'immuabilité de Dieu dans l'Écriture fait référence (contrairement à l'interprétation de certaines théologies) au respect de ses promesses, à sa fidélité à l'alliance et à son caractère fiable6PELIKAN, Jaroslav. The Christian Tradition, vol. 1, The Emergence of the Catholic Tradition: 100–600. Chicago, CH: University of Chicago Press, 1971, p. 52–53.. Dieu est sans changement dans sa bonté et ne peut pas faire le mal (Jacques 1:13). Et contrairement aux humains déchus, Dieu n'est pas inconstant, et c'est dans ce sens qu'il ne se « repent pas et ne change d'avis » (1S 15:29 ; Mal 3:6).

Alors, pourquoi la Bible nous dit-elle ailleurs que Dieu [...] « se repent »7Cette signification de « repentir » (nacham) dans le Niphal se trouvent dans Ex 32:12-14 ; 1S 15:29 ; Ps 110:4 ; Es 57:6 ; Jr 4:28 ; 15:6 ; 18:8-10 ; 26:3 ; 26:13 ; 26:19; Ez 24:14 ; Jo 2:13–14 ; Am 7:3-6 ; Jon 3:9–10 ; 4:2 ; Za 8:14.? Ou pourquoi Dieu est-il « affligé » ou « regrette » (nacham) d'avoir créé les humains (Gn 6:6-7) ? Tout d'abord, il ne s'agit pas, dans ce cas, d'un changement dans la nature ou le caractère de Dieu. De plus, les mots « se repentir » ou « être désolé/affligé » dans l'Ancien Testament ont plusieurs significations selon le contexte dans lequel ils se trouvent. Ils peuvent faire référence à l'expérience de la douleur émotionnelle ou du regret, ce qui suggère uniquement une relation dynamique de Dieu. Ainsi, bien que Dieu ne soit en aucun cas inconstant, il est toutefois intimement lié à sa création, et non distant d'elle.

Voici une autre utilisation du verbe « se repentir » : Moïse supplie Dieu de ne pas détruire Israël (Ex 32:12-14), et Dieu cède. Autre exemple, Dieu envoie Jonas à Ninive, menaçant de juger la ville, mais Dieu « change d'avis » ou « se repent » en l'épargnant. Dans ce contexte (Jon 3:9-10), « se repentir » (nacham) fait référence au fait de renoncer ou de changer une ligne de conduite donnée en raison d'un changement de cœur du destinataire. Se repentir signifie « retirer une bénédiction ou un jugement » en fonction de la conduite humaine. Un changement au sein des destinataires après une menace fait que la bénédiction ou le jugement n'est plus approprié8PARUNAK, H. Van Dyke. A Semantic Survey of NHM. Biblica, 1975, vol. 56, p. 512–532 ; CHISHOLM, R. B.. Does God ‘Change His Mind’?. Bibliotheca Sacra, 1995, vol. 152, p. 387–99.. Bien que Jonas ait proclamé avec confiance : « Encore quarante jours et Ninive est détruire » (Jon. 3:4), il savait déjà que Dieu, étant gracieux et compatissant, était capable de faire preuve de miséricorde s'il y avait repentance (Jon 4:2). C'est pourquoi il ne voulait pas avertir les ennemis d'Israël ! De même, David, alors qu'il jeûnait et pleurait dans l'espoir que son fils vive, s'est dit : « Qui sait : l'Éternel me fera grâce [...] ? » (2S 12:22 DRB).

Souvent, il existe une conditionnalité sous-jacente derrière les avertissements de Dieu : le jugement viendra si nous ne nous repentons pas : « Soudain je [Dieu] parle, sur une nation, sur un royaume, d'arracher, d'abattre et de détruire ; Mais si cette nation, sur laquelle j'ai parlé, revient de sa méchanceté, Je me repens du mal que j'avais pensé lui faire. Et soudain je parle, sur une nation, sur un royaume, de bâtir et de planter ; Mais si cette nation fait ce qui est mal à mes yeux, Et n'écoute pas ma voix, Je me repens du bien que j'avais eu l'intention de lui faire. » (Jr 18:7-10).

À l'époque de Noé, de Moïse et de Jonas, Dieu savait déjà exactement ce qu'il allait faire, même si cela signifiait qu'il allait « se repentir » en réponse à la façon dont les humains agissaient. Lorsque les récits bibliques montrent Dieu changeant d'avis, ils semblent ignorer la question de savoir si Dieu savait que ce changement aurait lieu. Dieu semble même parfois surpris. Pourquoi ? Les auteurs bibliques utilisent des moyens et des conventions littéraires pour dépeindre un Dieu interactif qui prend au sérieux le théâtre dynamique divin-humain.

Ainsi, si le caractère fidèle de Dieu et le respect de ses promesses ne changent pas, Dieu connaît néanmoins certains changements. Le Dieu trinitaire n'est pas la divinité statique et inaccessible généralement associée à la philosophie grecque traditionnelle. C'est un Dieu qui répond à la prière et qui s'engage dans l'histoire.

Impassibilité

[...] Que de fois ils l'irritèrent [...] (Ps 78:40)

La question « Dieu peut-il changer ? » est liée à la question « Dieu peut-il souffrir ? ». La théologie chrétienne traditionnelle a soutenu que Dieu ne peut pas souffrir (il est impassible) : il ne peut pas être affecté par sa création. Les Écritures, cependant, présentent un Dieu qui est capable de souffrir. Dieu peut être « affligé dans son cœur » (Gn 6:6). Son Esprit peut être éteint [en l'homme] (1Th 5:19) et on peut lui résister (Ac 7:51). [...] Le bibliste D. A. Carson demande, si Dieu ne souffre pas, « pourquoi la Bible passe-t-elle tant de temps à le dépeindre comme s'il souffrait ? ». En effet, « les preuves bibliques, dans les deux Testaments, dépeignent Dieu comme un être qui peut souffrir9CARSON, D. A.. How Long, O Lord?. Grand Rapids, MI: Baker, 1990, p. 186–188. ». Jaroslav Pelikan souligne qu'« Il est significatif que les théologiens chrétiens aient coutume de poser la doctrine de l'impassibilité de Dieu sans se soucier d'apporter beaucoup de soutien biblique ou de preuve théologique ». Ce concept a été introduit dans la doctrine chrétienne par la philosophie grecque10PELIKAN. Emergence of the Catholic Tradition. p. 52–53..

La souveraineté de Dieu et sa nature immuable impliquent que Dieu n'est pas à la merci des actions de ses créatures, et qu'il ne manque pas de maîtrise sur ses émotions. Les partisans de l'impassibilité absolue de Dieu ont raison de protéger cet aspect. Néanmoins, Dieu n'est pas indifférent aux attitudes et aux actions des créatures, ce qui est une marque de la perfection divine (c'est-à-dire de l'amour parfait). Il est peut-être plus utile de faire la distinction entre le fait que Dieu soit émotionnellement touché par la souffrance, le repentir et le chagrin des humains et le fait qu'il soit émotionnellement détruit par les expériences et les actions humaines. Bien sûr, Dieu est parfaitement dans la joie en lui-même et satisfait de la connaissance de sa bonne création et de sa direction de l'histoire jusqu'à son achèvement (cf. Ps 50:7-15)11CREEL, Richard. Immutability and Impassibility. In : TALIAFERRO, Charles. DRAPER, Paul, QUINN, Philip L.A. [editeurs.] Companion to Philosophy of Religion.  2nd ed. Oxford : Wiley-Blackwell, 2010, p. 326. Soit dit en passant, Creel adhérait autrefois à l'impassibilité divine, mais il fut persuadé que le fait que Dieu soit touché par la souffrance ou la réussite humaine constituait une indication de sa perfection.. Mais Dieu souffre vraiment, en particulier dans le Christ incarné sur la croix. Les Écritures dépeignent un Dieu qui peut, dans une certaine mesure, être exaspéré par ses créatures, y compris l'ancien Israël (par exemple, Ne 9:28-30 ; Ps 81:10-16 ; Es 5:4). Dieu souffre également avec ses créatures, en particulier avec son propre peuple racheté (Ac 9:4-5 : « Pourquoi me persécutes-tu ? »). Comme l'observe Alvin Plantinga, « certains théologiens prétendent que Dieu ne peut pas souffrir. Je crois qu'ils ont tort. La capacité de Dieu à souffrir, je crois, est proportionnelle à sa grandeur12PLATINGA, Alvin. A Christian Life Partly Lived. In Philosophers Who Believe. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 1993, p. 71. ».

Dieu joue-t-il la comédie dans sa souffrance, puisqu'il sait de toute façon ce qui va se passer ? Pas du tout ! Songez que nous pouvons savoir qu'un être cher va mourir dans un avenir proche, mais que cela n'élimine pas l'expérience de la douleur et du chagrin lorsqu'il meurt effectivement. En outre, la souffrance n'est pas imposée à Dieu de l'extérieur. Dieu souffre à cause de sa décision souveraine, c'est-à-dire par quelque chose qui vient de l'intérieur du Dieu trinitaire, quelque chose que Dieu décide d'accepter13GUNTON. Act and Being. p. 128–29..

Simplicité divine

Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C'est ainsi que tu répondras aux enfants d'Israël: Celui qui s'appelle « je suis » m'a envoyé vers vous. (Ex 3:14)

La doctrine de la simplicité divine a tendance à être l'un des aspects les plus obscurs et les plus débattus de la nature divine. De nombreux théologiens-philosophes chrétiens à travers les âges ont soutenu cette doctrine ; d'autres l'ont trouvée curieuse, insaisissable, incohérente, et même non biblique ! La simplicité n'a pas été définie de manière uniforme dans l'histoire de la théologie chrétienne. Étant donné sa longue tradition, nous voulons la mentionner et offrir quelques réflexions à ceux qui ont des oreilles pour entendre.

De nombreux théologiens, dont Anselme et Thomas d'Aquin, ont considéré la simplicité de Dieu comme sa caractéristique principale, ce qui le distingue de sa création. Ce concept de simplicité a au moins huit sens différents, certains étant plus généraux, ou, au contraire, plus restrictifs que d'autres14RICHARDS, Jay W.. The Untamed God. chap. 9. donne une présentation et une évaluation agréablement nuancées de ces versions. Je m'inspire de certaines de ses idées. Voir aussi PLATINGA, Alvin. Does God Have a Nature?. Milwaukee: Marquette University Press, 1980. Pour une position alternative, voir STUMP, Eleonore. The God of the Bible and the God of the Philosophers. Milwaukee: Marquette University Press, 2016.. Selon certaines interprétations de la simplicité, Dieu n'a littéralement aucun attribut ou caractéristique distinct. Ainsi, contrairement à Dieu, nous sommes des êtres composés : nous avons (a) des qualités essentielles, qui font de nous ce que nous sommes, comme la capacité de penser et de choisir ; et (b) des qualités ou propriétés accidentelles qui auraient pu être différentes, comme le fait d'avoir le nez fin ou les yeux marron.

La simplicité implique que Dieu n'a pas de propriétés ; Il est simplement ces propriétés. Ses attributs sont uniques : pour Dieu, sagesse = amour = sainteté = justice = omniprésence = omnipotence. L'existence de Dieu est identique à son essence ou à sa nature. C'est-à-dire que la nature de Dieu exige qu'Il existe, alors que l'essence ou la nature de toute créature est contingente (c'est-à-dire qu'il est logiquement possible qu'aucune créature n'existe). Tout ce qui concerne Dieu est essentiel pour Lui ; il n'y a rien de non-essentiel ou d'« accidentel ». Dans mon cours de philosophie sur Thomas d'Aquin à l'Université Marquette, un étudiant a plaisanté en disant : « Pourquoi Dieu a-t-il des tarifs d'assurance bas ? Parce qu'il n'a pas d'accidents ! ».

De plus, alors que les créatures peuvent actualiser ou réaliser leur potentialité (comme un gland ayant la potentialité de devenir un chêne), il n'y a aucune potentialité en Dieu. Dieu est « pure act(ualité) » (actus purus). Voilà pour le bref aperçu, et ce qui suit est une brève réponse.

Nous pouvons être d'accord avec ce que certaines versions de la simplicité tentent de préserver, par exemple, que la nature de Dieu exige qu'il existe nécessairement et qu'ainsi il n'existe pas de monde possible dans lequel il n'existe pas. Nous pouvons également affirmer que Dieu n'est pas un être qui, par hasard, possède tous les bons attributs qui le rendent suprêmement excellent. Il n'a pas de caractéristiques de « divinité générique », comme si un autre être pouvait être omniscient ou omnipotent sans être Dieu.

Toutefois, certaines versions de la simplicité divine semblent être davantage un exposé de la métaphysique grecque qu'une description solide du Dieu trinitaire de l'Écriture, qui est engagé dans l'histoire. Non seulement, il semble vraiment difficile de dériver certaines de ces notions de l'Écriture, mais elles semblent également philosophiquement problématiques, pour les raisons suivantes.

  • L'amour, la sainteté et l'omniprésence de Dieu sont des propriétés distinctes, même si elles sont possédées par le même être. Être un mari et être un père sont clairement distincts, même si le même homme peut posséder les deux caractéristiques. De même, certaines propriétés peuvent toujours aller de pair dans tous les mondes possibles. Elles sont « coextensives » (la trilatéralité et la triangularité d'un triangle, par exemple) mais ces propriétés ne sont pas identiques. De même, l'omniscience ou la bonté de Dieu coexistent toujours dans tous les mondes possibles, mais elles ne sont pas identiques.
  • Si Dieu est un être simple, alors, dans certaines versions de la simplicité, Dieu ne semble pas vraiment être un agent personnel. Si Dieu se résume à ses propriétés d'omniprésence, de sagesse et d'amour, alors il ressemble davantage à un objet abstrait (comme la triangularité ou la régularité) mais les objets abstraits ne peuvent pas agir ou faire quoi que ce soit15Même si nous n'acceptons pas la compréhension traditionnelle de la simplicité divine telle qu'elle a été adoptée, par exemple, par Thomas d'Aquin, nous pouvons parler, par exemple, des connaissances de Dieu comme étant simple.. Cf. ALSTON, William. Does God Have Beliefs?. Religious Studies. 1986, vol. 22, p. 287–306..
  • Si tout ce qui concerne Dieu est absolument essentiel pour Lui, et jamais accidentel ou contingent, alors Dieu ne peut apparemment pas connaître des choses qu'il pourrait et devrait connaître, comme les mondes possibles qu'il aurait pu créer. Il semble que tout ce que Dieu fait, il devait le faire. Ses choix et ses actions sont nécessaires, mais pas libres. Cependant, c'est à cause du libre exercice de la volonté de Dieu ou de ses déterminations éternelles que certaines caractéristiques contingentes viennent à exister en Dieu. Par exemple, Dieu comme Créateur ou Rédempteur. Il y a une certaine potentialité en Dieu16Mais pas au sens aristotélicien (ou thomiste), qui considère la puissance et l'actualité comme créaturelles. : Dieu est libre, et il peut provoquer un état des choses contingent (comme la création) s'il le veut.
  • Thomas d'Aquin affirme que Dieu n'est pas vraiment lié à ses créatures ; ce sont plutôt ses créatures qui sont liées à Lui. Il s'agit d'une tentative de préserver la parfaite similarité de Dieu dans tous les mondes logiquement possibles. Mais cela semble pousser les choses trop loin. Dieu a très clairement la qualité de Créateur. Pourtant, sans l'univers, le Dieu trinitaire n'avait pas la qualité de Créateur. Nous avons donc deux états distincts dans la vie divine, un dans lequel Dieu sait : « J'existe seul », et un autre dans lequel Dieu sait : « J'ai créé des créatures »17Voir COPAN, Paul, CRAIG, William L.. Creation out of Nothing: A Biblical, Philosophical, and Scientific Exploration. Grand Rapids, MI : Baker Academic, 2004, p. 173–180.. Il semble étrange d'insister sur le fait que l'acte de puissance de Dieu (« acte pur ») est le même dans tous les mondes possibles, si, par exemple, les créatures humaines existent dans certains mondes mais pas dans d'autres. Le libre choix de Dieu n'est-il pas la raison même pour laquelle il a créé quelque chose de contingent ? Si Dieu choisit de créer, alors la contingence est introduite en Dieu. Par la création, Dieu a acquis une caractéristique accidentelle (ou non-nécessaire), celle d'être Créateur et ensuite Sauveur. [...] Même si Dieu ne change pas dans sa nature, un changement non-nécessaire est introduit. Peut-être faudrait-il donc augmenter ses tarifs d'assurance !
  • La doctrine de la Trinité semble problématique pour certaines versions de la simplicité car il existe des distinctions au sein de Dieu. Le Père, le Fils et l'Esprit ont leurs relations et caractéristiques respectives qui définissent leur personne et qui distinguent chaque personne divine des autres. La relation du Père avec le Fils est vraiment différente de la relation du Fils avec l'Esprit. Et il y a quelque chose au sujet du Père qui fait de lui le Père et non le Fils ou l'Esprit. Tous les attributs au sein de la divinité ne sont pas équivalents.

Source : COPAN, Paul. Loving Wisdom: A Guide to Philosophy and Christian Faith. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2020, p. 93-97. Traduit et publié avec l'autorisation de l'éditeur. Ouvrage original disponible à l'adresse : https://www.amazon.com/Loving-Wisdom-Guide-Philosophy-Christian/dp/0802875475/

Toute reproduction interdite

Source des citations bibliques : La Sainte Bible : nouvelle édition de Genève 1979. Genève : Société Biblique de Genève, 1979.

Références

  • 1
    AQUIN, Thomas. Somme théologique, I, q. 2., a. 2, objection 2.
  • 2
    Issue du chant de Charles Wesley « Love Divine, All Loves Excelling ».
  • 3
    Certains des points mentionnées proviennent de GUNTON, Colin E.. Act and Being: Towards a Theology of the Divine Attributes. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2003.
  • 4
    GUNTON, Colin E.. Act and Being: Towards a Theology of the Divine Attributes. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 2003, p. 126.
  • 5
    RICHARDS, Jay W.. The Untamed God. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 2003, p. 196. Voir la section de Richards sur l'immuabilité comportant une analyse plus détaillée.
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  • 7
    Cette signification de « repentir » (nacham) dans le Niphal se trouvent dans Ex 32:12-14 ; 1S 15:29 ; Ps 110:4 ; Es 57:6 ; Jr 4:28 ; 15:6 ; 18:8-10 ; 26:3 ; 26:13 ; 26:19; Ez 24:14 ; Jo 2:13–14 ; Am 7:3-6 ; Jon 3:9–10 ; 4:2 ; Za 8:14.
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    PLATINGA, Alvin. A Christian Life Partly Lived. In Philosophers Who Believe. Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 1993, p. 71.
  • 13
    GUNTON. Act and Being. p. 128–29.
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  • 15
    Même si nous n'acceptons pas la compréhension traditionnelle de la simplicité divine telle qu'elle a été adoptée, par exemple, par Thomas d'Aquin, nous pouvons parler, par exemple, des connaissances de Dieu comme étant simple.. Cf. ALSTON, William. Does God Have Beliefs?. Religious Studies. 1986, vol. 22, p. 287–306.
  • 16
    Mais pas au sens aristotélicien (ou thomiste), qui considère la puissance et l'actualité comme créaturelles.
  • 17
    Voir COPAN, Paul, CRAIG, William L.. Creation out of Nothing: A Biblical, Philosophical, and Scientific Exploration. Grand Rapids, MI : Baker Academic, 2004, p. 173–180.