Pourquoi certains ont-ils la foi tandis que d'autres ne l'ont pas ?

Ampoule cerveau

[N.D.L.R. : « Avoir la foi » ne désigne pas dans cet article « croire que Dieu existe ». Cette croyance là ne sert à rien sur le plan spirituel, comme le dit la Bible (Jacques 2:19). La « foi » dans cet article, et de manière générale dans la Bible, désigne l'attitude basée sur la croyance que Dieu existe qui conduit à une relation appropriée avec lui.
D'autre part, la problématique de base dont il est question ici n'est pas « quels sont les éléments de conviction qui permettent de soutenir la foi ? », mais « quelle est la cause déterminante qui conduit une personne à la foi ? » Il se trouve qu'au XVIe siècle les calvinistes ont cru bon devoir affirmer un déterminisme divin absolu s’exerçant sur tout dans l'univers y compris sur l'acceptation du don de la foi par l'homme. Or les arminiens ont trouvé cette position simpliste et extrémiste.]

Pour de nombreux calvinistes, le meilleur argument que l’on puisse opposer à l'arminianisme pourrait être exprimé par des questions du type : « Qu’est-ce qui distingue celui qui croit au Christ de celui qui le rejette ? Pourquoi l'un croit et l'autre non ? Celui qui croit ne doit-il pas posséder quelque chose en plus l’ayant amené à croire ? »

Ces interrogations ont pour objectif de démontrer que dans la perspective arminienne celui qui croit doit avoir, au moins, une (bonne) chose en plus que celui qui ne croit pas. Ainsi, le fondement de la foi deviendrait la bonté de l'homme et non la grâce de Dieu. Le croyant posséderait un motif de vantardise qui aurait pour effet de donner la gloire du salut à l’homme plutôt qu’à Dieu.

La foi comme une base non-arbitraire pour le salut

J'apprécie cette question, car elle met parfaitement en lumière la différence qui sépare l'arminianisme du calvinisme [...]. Se confier en un autre ne donne pas la moindre gloire à celui qui se confie et donne au contraire toute la gloire à celui en qui on se confie. La foi est justement le renoncement à tout mérite venant de soi. La foi, c'est placer toute sa confiance en Dieu et en sa faveur imméritée uniquement.

Ainsi, la foi est le moyen par excellence par lequel Dieu peut disposer d'une base juste pour nous rendre responsable sans que cette responsabilité nous donne le moindre mérite. Les arminiens n'ont pas besoin de se dérober devant le fait qu'il existe effectivement une différence entre le croyant et l'incroyant qui mène l’un au salut et l’autre à la damnation. Nous devrions pleinement l'accepter. En effet, c'est ce qui rend le salut des croyants et la perdition des incroyants non arbitraires. C'est précisément cela que nous soutenons à l'encontre de la position selon laquelle Dieu sauverait sans aucune condition. C'est par le moyen de la foi, un acte non méritoire, que nous sommes sauvés.

La réponse à la question de savoir ce qui distingue celui qui a la foi de celui qui ne l’a pas, est tout simplement que l'un fait confiance à Dieu et l'autre non. C'est pour cette raison que Dieu, par sa volonté souveraine et sa grâce, sauve l'un et condamne l'autre. Il n'est pas obligé de le faire, mais par une faveur imméritée, il impute la foi à justice. Cela permet d'établir une base non arbitraire pour le salut immérité et la damnation méritée, de telle sorte que toute la gloire pour le salut revient à Dieu seul et tout le tort de la damnation revient à l'homme seul. [...]

En ce qui concerne Dieu, et c'est le plus important, nous ne pouvons pas nous vanter de la foi qui n’est rien d’autre que la réception d’un don gratuit. Si une personne vous offrait, à vous et à un de vos amis, un million de dollars, et que vous l’acceptiez alors que votre ami le refuserait, cela aurait-il un sens que vous vous vantiez d’avoir accepté ce cadeau ? Cela n’aurait pas la moindre légitimité. Vous n'avez aucun mérite à accepter un million de dollars, et le refus de votre ami est simplement insensé. C'est pour cette raison que la foi est un moyen adapté pour l’œuvre du salut de Dieu. La foi fournit une base de responsabilité humaine qui ne donne aucune gloire au croyant (celui qui reçoit) et donne toute la gloire à Dieu (celui qui donne). En même temps, la foi attribue toute la honte et le mérite de la condamnation à l'incroyant (celui qui rejette).

Personne ne pense que l'on puisse se vanter légitiment de la réception d’un don gratuit. Bien entendu, il est possible de se vanter de tout et n’importe quoi. Cependant, la question importante est de savoir si la raison de la vantardise a une légitimité quelconque. Dans le cas de la foi, il est évident que ce n’est pas le cas. De même, et c’est ce qui importe le plus, du point de vue de la révélation biblique cela n’a rien de légitime.

L'auto-déterminisme humain

Face à cette réponse, les calvinistes ont tendance à prétendre qu’elle ne répond pas correctement à la question car derrière le choix de la personne, il doit exister quelque chose ayant causé ce choix d'une manière irrésistible. Cette objection démontre le présupposé déterministe présent dans le calvinisme. En réalité, nous avons la foi parce que Dieu nous permet de l’avoir, et parce nous avons choisi de ne pas résister à l’œuvre de Dieu. Ainsi, si l’on retire Dieu de l’équation (ce à quoi veut nous amener les calvinistes dans ce défi), ce qui distingue le croyant du non-croyant concernant la foi est la personne elle-même, en tant qu'agent causal.

Comme je l'ai déjà dit, cette position est facile à assumer, car je trouve qu’elle donne justement raison à l'arminianisme et tort au calvinisme. La foi n'est pas une œuvre méritoire, mais simplement la réception d’un don gratuit. C'est une chose vraiment merveilleuse, fournissant une base non arbitraire pour le salut immérité et la damnation méritée, de telle sorte que toute la gloire pour le salut revient à Dieu seul et tout le tort de la damnation revient à l'homme seul (alors que les implications logiques du calvinisme font que les personnes ne peuvent pas avoir la foi, ils ne peuvent que rester dans le péché, sauf si Dieu les choisit pour qu’ils croient et soient sauvés). [...]

De nombreux calvinistes ont du mal à reconnaître que les arminiens ont répondu à leur défi, car ils rejettent la définition commune du libre-arbitre. Or, c’est justement celle-ci que les arminiens adoptent, et qui est philosophiquement connu sous le nom de libre-arbitre libertarien. L'essence même du libre arbitre consiste en ce que le choix d’un agent n'est pas causé d’une manière irrésistible par un autre agent que soi. Pour pouvoir comprendre la réponse arminienne, les calvinistes doivent donc se positionner dans cette conception du libre-arbitre (c'est-à-dire la conception commune). Voici quelques commentaires de Norman Geisler dans le Elwell Evangelical Dictionary concernant la position arminienne du libre-arbitre :

Selon ce point de vue, les actions d'une personne sont causées par elle-même. Les tenants à l’auto-déterminisme reconnaissent que divers facteurs tels que l'hérédité et l'environnement influencent le comportement d'une personne. Cependant, ils nient que ces facteurs soient des causes déterminantes de son comportement. Les objets inanimés ne se meuvent pas sans l’action d’une cause extérieure, mais les sujets personnels, eux, sont capables d’agir par leurs propres actions. Comme mentionné précédemment, les adhérents à l’auto-déterminisme rejettent l'idée selon laquelle les événements sont sans cause ou causés par les événements eux-mêmes. Ils pensent plutôt que les actions humaines peuvent être causées par des êtres humains. Thomas d'Aquin et C. S. Lewis sont deux grands noms ayant défendu ce point de vue.

 

Plusieurs s'opposent à la position de l'auto-déterminisme, au motif que si tout a besoin d'une cause, l’action de la volonté n’y échappe pas. On entend souvent la question : « Qu'est-ce qui a conduit la volonté à agir ainsi ? » Les tenants de l’auto-déterminisme peuvent répondre à cette question en indiquant que ce n'est pas la volonté d'une personne qui prend une décision mais la personne qui agit par sa volonté. Et comme la personne est la cause première de ses actes, il est absurde de demander quelle est la cause de la cause première. De même qu'aucune force extérieure n'a conduit Dieu à créer le monde, de même aucune force extérieure ne pousse les agents humains à choisir une action précise. L'homme est en effet créé à l'image de Dieu, ce qui inclut la possession du libre-arbitre.

Le fait est qu'il existe de nombreuses causes/influences sur notre comportement, mais c'est à nous de décider quelles causes / influences nous choisissons de suivre. Il peut donc exister un nombre illimité de raisons concernant nos actions. Nos actions libres ne sont pas sans cause. Elles sont tout simplement sans cause irrésistible. Prétendre qu'il doit toujours exister une cause irrésistible ou que toute cause sur laquelle se base un choix est nécessairement irrésistible, c'est supposer le déterminisme. Comme l'a fait remarquer un commentaire d’une discussion en ligne que j’ai consulté : « L’éthique libertarienne ne croit pas que les choix sont aléatoires, mais plutôt qu'ils sont issus d’un auto-déterminisme (le résultat d'une délibération personnelle et rationnelle) ». Une personne choisit de croire alors qu'une autre non, pour une ou plusieurs raisons, mais que chacun a choisi de suivre. Et rien ne permet de prétendre que la ou les raisons étaient irrésistibles.

La foi est-elle méritoire ?

[N.D.L.R. : Il faut savoir que le calvinisme enseigne la compatibilité du déterminisme divin et de la responsabilité morale (semi-compatibilisme). Dans cette perspective, l'homme est responsable de son choix lorsqu'il agit volontairement, même si sa volonté est déterminée par Dieu. Ainsi, comme l'homme vient à la foi volontairement, il en découle que l'homme est moralement responsable de sa foi1BIGNON, Guillaume. Excusing Sinners and Blaming God. Eugene, OR : Pickwick Publications, 2017, p. 232. « Dans une tentative d'exclure la vantardise, les théologiens (les calvinistes en particulier) pourraient être tentés de dire qu'il n'y a aucun éloge dans toute action juste en général, et dans la décision de se repentir et de croire en particulier. Cette démarche est louable dans son intention, mais non viable dans son application. L'éloge et le blâme sont les deux faces de la même pièce de monnaie que constitue la responsabilité morale. Si l'une disparaît, l'autre disparaît aussi, et nier la louabilité reviendrait, je le crains, à nier aussi la blâmabilité, ce qui est inacceptable compte tenu des conceptions orthodoxes du jugement divin. Une grande partie du présent travail a consisté à défendre la compatibilité de la responsabilité morale avec le déterminisme, dans l'espoir évident de maintenir la vérité des deux. Ainsi, les déterministes ne devraient pas nier l'éloge moral des actes justes, car il n'y a pas d'asymétrie à ce niveau entre l'éloge du bien et le blâme du mal : les deux sont impliqués par la responsabilité morale humaine. [...] Le pécheur qui, sous l'intervention active de Dieu, s'abstient de pécher est moralement responsable (louable) de son choix juste, mais il ne doit pas se vanter précisément parce qu'il aurait péché sans l'intervention spéciale de Dieu. [...] [L]es sauvés peuvent difficilement se vanter d'être sauvés, étant donné qu'ils auraient rejeté l'Évangile sans l'amour électif de Dieu et l'extension providentielle de la grâce effective. ». Ainsi, il semble qu'un calviniste, s'il veut rester cohérent avec sa propre thèse, ne puisse affirmer que la responsabilité morale du choix de la foi rend méritoire le salut.]


Article original : ABASCIANO, Brian. Addressing the Calvinist Challenge, ‘Why Did You Believe and Your Neighbor Did Not?'. In : Society of Evangelical Arminians [en ligne]. 2017-10-27 [consulté le 2020-11-10]. Disponible à l’adresse : https://evangelicalarminians.org/brian-abasciano-addressing-the-calvinist-challenge-why-did-you-believe-and-your-neighbor-did-not/

Références

  • 1
    BIGNON, Guillaume. Excusing Sinners and Blaming God. Eugene, OR : Pickwick Publications, 2017, p. 232. « Dans une tentative d'exclure la vantardise, les théologiens (les calvinistes en particulier) pourraient être tentés de dire qu'il n'y a aucun éloge dans toute action juste en général, et dans la décision de se repentir et de croire en particulier. Cette démarche est louable dans son intention, mais non viable dans son application. L'éloge et le blâme sont les deux faces de la même pièce de monnaie que constitue la responsabilité morale. Si l'une disparaît, l'autre disparaît aussi, et nier la louabilité reviendrait, je le crains, à nier aussi la blâmabilité, ce qui est inacceptable compte tenu des conceptions orthodoxes du jugement divin. Une grande partie du présent travail a consisté à défendre la compatibilité de la responsabilité morale avec le déterminisme, dans l'espoir évident de maintenir la vérité des deux. Ainsi, les déterministes ne devraient pas nier l'éloge moral des actes justes, car il n'y a pas d'asymétrie à ce niveau entre l'éloge du bien et le blâme du mal : les deux sont impliqués par la responsabilité morale humaine. [...] Le pécheur qui, sous l'intervention active de Dieu, s'abstient de pécher est moralement responsable (louable) de son choix juste, mais il ne doit pas se vanter précisément parce qu'il aurait péché sans l'intervention spéciale de Dieu. [...] [L]es sauvés peuvent difficilement se vanter d'être sauvés, étant donné qu'ils auraient rejeté l'Évangile sans l'amour électif de Dieu et l'extension providentielle de la grâce effective. »